« Non, la hausse des salaires n’entraîne pas inéluctablement une spirale inflationniste »

« Non, la hausse des salaires n’entraîne pas inéluctablement une spirale inflationniste »

Le pic du taux d’inflation semble bel et bien passé. Aux Etats-Unis, où il a atteint 9,1 % en juin, le taux est redescendu à 7,7 % en octobre. Les économistes prévoient moins de 3 % en 2023, et espèrent que les Etats-Unis éviteront la récession. En Europe, l’inflation décline aussi. En Allemagne, le pic aurait été atteint en octobre avec 10,4 %, avant de diminuer à 10 %, prévu en novembre. En Espagne, il baisse depuis quatre mois, à 6,8 % en novembre après 7,3 % en octobre.

Les prévisionnistes peuvent se tromper, mais cette tendance confirme l’analyse historique des vagues de hausses de prix survenues depuis 1960 dans les pays développés, publiée le 11 novembre par six économistes du Fonds monétaire international (« Wage-Price Spirals : What is the Historical Evidence ? », Working Papers, 22/221).

Lorsque les prix commencent à monter pour une raison ou pour une autre – qu’il s’agisse d’un choc extérieur comme la hausse du pétrole arabe (en 1973) ou du gaz russe (en 2022), ou d’une trop forte quantité de liquidité circulant sur le marché, comme l’affirment les économistes qui critiquent le « laxisme » des banques centrales pendant la pandémie –, la grande crainte des gouvernements et des entreprises est de voir exploser les revendications salariales. Si les entreprises plient, elles doivent augmenter les prix pour conserver leurs marges, ce qui accroît en retour les revendications, et ainsi de suite… C’est ce que l’on appelle la « spirale prix-salaires », considérée par les économistes comme la principale cause des grandes périodes d’inflation des années 1920 ou 1970.

Stabilisation des prix

Quand, de surcroît, le redémarrage post-pandémie et la mauvaise qualité des emplois proposés dans de nombreux secteurs rendent l’embauche difficile – ce que l’on appelle la « grande démission » –, la spirale semble prête à s’enclencher. D’où le refus actuel du patronat d’une augmentation générale des salaires, d’où la réforme des allocations-chômage pour inciter les chômeurs à accepter des baisses de rémunérations, d’où, enfin, les hausses à répétition des taux d’intérêt pour limiter le crédit et ralentir l’activité – au risque, assumé, d’augmenter le chômage.

Les six économistes ont examiné toutes les périodes de l’histoire récente de 38 pays développés où l’économie a connu pendant trois trimestres consécutifs, comme aujourd’hui, une hausse des prix à la consommation et une augmentation des salaires nominaux (c’est-à-dire une augmentation supérieure à l’inflation). Ils ont identifié 79 séquences de ce type. Or, « ce qui pourra étonner », comme l’écrivent benoîtement les auteurs, une très petite minorité de ces épisodes sont suivis d’une vague d’inflation durable. La plupart débouchent pendant les huit ou neuf trimestres qui suivent sur une simple stabilisation des prix et un retour des salaires réels à leur niveau antérieur. Autrement dit, la hausse des salaires nominaux n’entraîne pas inéluctablement une spirale inflationniste.

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LJD

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