Mieux réguler pour mieux innover

Mieux réguler pour mieux innover

Gouvernance. L’obligation d’innover est un des piliers de la mythologie économique contemporaine. Alors que les cultures traditionnelles s’en méfiaient et que Montaigne (1533-1592) la considérait encore comme une vanité, l’innovation est glorifiée depuis la révolution industrielle comme une démarche positive vers un progrès nécessairement vertueux.

Ce dogme proclame que la destruction qu’elle engendre est toujours créatrice d’un surcroît de richesses (la fameuse destruction créatrice) au point qu’elle est la condition de survie des entreprises : sans elle, point de salut.

Cette croyance est dotée d’un tel prestige qu’elle affecte tous les aspects de la vie sociale et économique, depuis la mise sur le marché de produits toujours nouveaux (les qualifier de « nouveaux » étant, en soi, un argument de vente), jusqu’aux organisations régulièrement converties à des « innovations managériales », en passant par les mantras sur les efforts d’innovation déplorés comme insuffisants ou par les « innovations disruptives » en tous genres que promettent les prophètes du bonheur.

Le spectre d’un retour à « la lampe à huile »

Dans un petit essai remarquable (L’Innovation. Mais pour quoi faire ?, Seuil, 256 pages, 19,50 euros), Franck Aggeri, professeur à Mines ParisTech, invite à une réflexion bien venue sur cette religion de « l’innovation pour l’innovation ».

Elle est si bien ancrée dans notre imaginaire, qu’il faut un sérieux effort pour prendre conscience que, dans la réalité, l’innovation n’est pas nécessairement source de progrès : la destruction n’est pas toujours créatrice, certaines innovations se sont révélées désastreuses pour l’humanité et imiter s’avère parfois moins coûteux et plus performant que d’innover.

Il ne s’agit évidemment pas de faire le procès des innovations, selon une logique du tout ou rien. Nombre d’entre elles sont utiles, mais toutes ne le sont pas. Pour exorciser le scepticisme critique, les dévots de l’innovation croient nécessaire d’agiter le spectre d’un retour à « la lampe à huile », si ce n’est de « l’âge de pierre ». Comme si, entre le fatalisme du laisser-faire et l’immobilisme technophobe, il n’y avait aucune place pour l’intelligence sur le sujet.

Le discernement est nécessairement politique et il passe, selon Franck Aggeri, par l’action collective, puisque les innovations intéressent l’avenir de la société. Elles doivent donc susciter des débats et, si nécessaire, des régulations. La réglementation publique est une modalité, mais pas la seule, d’une telle action collective.

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LJD

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