Matthieu Lépine brise le silence sur la mort au travail

Matthieu Lépine brise le silence sur la mort au travail

Matthieu Lépine, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le 3 mars 2023.

Taille moyenne, barbe bien taillée, tenue sombre. Matthieu Lépine, 36 ans, est professeur d’histoire et de géographie au collège Lenain-de-Tillemont de Montreuil (Seine-Saint-Denis), mais il pourrait tout aussi bien être bassiste d’un groupe de rock. Il admet d’ailleurs avec une pointe de gêne avoir été le chanteur d’un groupe de copains, durant son ­adolescence à Laval (Mayenne). « Je ne savais pas chanter, mais il fallait bien que quelqu’un s’y colle », avoue-t-il en souriant. La phrase pourrait illustrer le combat qui l’occupe depuis plus de six ans : faire connaître au grand public le drame des morts du travail. Entamé sur les réseaux sociaux, son « travail », comme il ­l’appelle lui-même, a donné lieu à un livre. Dans L’Hécatombe invisible (Seuil), qui vient de paraître, Matthieu Lépine ­poursuit son inventaire des morts au travail et dénonce les négligences systémiques qu’elles illustrent.

« Mourir si jeune et si vieux, avec ce putain de statut d’autoentrepreneur qui fait de vous un ouvrier sans en avoir les droits… Ces deux morts m’ont poussé à vouloir être plus efficace. » Matthieu Lépine

C’est une phrase d’Emmanuel Macron qui l’a déterminé à se lancer. En 2016, à quelques jours du forum économique de Davos, celui qui est alors ministre de l’économie de François Hollande dit sur BFM-TV que « la vie d’un entrepreneur, elle est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. Il ne faut jamais l’oublier. Il peut tout perdre, lui. » Matthieu Lépine est alors un jeune professeur dans un collège classé REP +. Après avoir fait ses armes à l’université Rennes-II lors du mouvement contre la réforme du contrat première embauche, en 2006, il s’est engagé au Parti de gauche, puis à La France insoumise, participant, en 2012 et en 2017, aux campagnes d’Alexis Corbière à Montreuil. Dans le même temps, il tient un blog sur l’histoire des luttes sociales.

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Après la « petite phrase », il commence à recenser quotidiennement les accidents du travail. Début 2019, deux autoentrepreneurs meurent à quelques jours d’intervalle. Michel Brahim, couvreur à la retraite, continuait de travailler pour compléter sa pension de 700 euros mensuels. Franck Page, 19 ans, coursier pour Uber Eats, décède à la suite d’un accident de la route. « Mourir si jeune et si vieux, avec ce putain de statut d’autoentrepreneur qui fait de vous un ouvrier sans en avoir les droits… Ces deux morts m’ont poussé à vouloir être plus efficace », explique-t-il aujourd’hui.

Selon les calculs de Matthieu Lépine, au moins 896 personnes sont mortes d’un accident du travail en 2019. Cette même année, l’Assurance-maladie en dénombrait 733 et la Dares 790, soit le taux d’incidence le plus élevé d’Europe selon les données d’Eurostat.

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