L’hôtellerie française face « au plus grand plan social de son histoire »

L’hôtellerie française face « au plus grand plan social de son histoire »

Manifestation pour dénoncer les licenciements dans l'hôtellerie, devant le siège d’Accor à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), le 8 septembre.

Après l’été de la débrouille vient l’automne de la désolation pour l’hôtellerie française. Elle a jusqu’alors écopé, jonglé entre la réception et les fourneaux, renoncé aux contrats saisonniers, usé du chômage partiel et réduit son recours aux sous-traitants. Il y a eu, pour les mieux placés, un bel été en forme de sursis. Mais la reprise est morose, en particulier en Ile-de-France, à l’arrêt depuis six mois. Cela laisse le temps de se plonger dans les comptes et le code du travail.

« L’hôtellerie française est en train de connaître le plus grand plan social de son histoire », s’alarme le Groupement national des indépendants (GNI-HCR), qui conclut, d’après une enquête menée début septembre, à un chiffre de 30 000 emplois menacés d’ici fin 2020. Déjà, le premier semestre a vu la disparition de 46 900 emplois, selon l’Insee. Il est probable qu’un quart des postes du secteur aura disparu cette année. Un choc brutal pour ce vivier d’emplois non délocalisables et en croissance régulière depuis le début du siècle.

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La saignée devrait se poursuivre en 2021, lorsqu’il s’agira de rembourser les dettes et que le chômage partiel ne sera plus compensé intégralement par l’Etat. A ces chiffres, il faut ajouter le non-recours à l’emploi saisonnier cet été, difficile à mesurer à ce jour. Et la casse chez les sous-traitants, présents aussi bien dans l’hôtellerie économique que dans les quatre-étoiles.

La plupart d’entre eux se voient refuser la prise en charge du chômage partiel par l’Etat, n’étant pas associés au secteur de l’hôtellerie-restauration. Les licenciements pour faute grave se multiplient chez Acqua, qui travaille exclusivement dans l’hôtellerie et a perdu 80 % de son chiffre d’affaires. Le groupe Azurial, dont 300 salariés sont spécialisés dans le nettoyage des hôtels, envisage de se séparer d’une cinquantaine d’entre eux.

« On a tapé sur tous les services »

C’est une hémorragie silencieuse, loin des plans sociaux de l’industrie. Dans l’hébergement, la part importante de contrats courts (22,2 % de CDD en 2017), le recours à la sous-traitance et l’important taux de rotation des salariés rendent les suppressions de postes plus aisées. Ces leviers ont déjà été activés. Les propriétaires d’hôtel commencent à passer à la case licenciements.

Les syndicats rapportent une recrudescence de ruptures conventionnelles à l’initiative des employeurs, malgré le rôle d’amortisseur joué par le dispositif d’activité partielle

Les personnels de réception et les femmes de chambre, quand ils sont employés directement, sont les premiers à en souffrir. « Avec des taux d’occupation à 20 % ou 30 % plutôt que 70 % ou 80 %, on a tapé sur tous les services : femmes de chambre, réception de jour comme de nuit, restauration, explique Franck Trouet, du GNI-HCR. Beaucoup d’hôteliers ont repris par eux-mêmes la réception. Ce sont des licenciements économiques individuels et de petits licenciements collectifs [procédure utilisée pour licencier moins de dix personnes] qui ne donnent pas lieu aux fameux PSE [plans de sauvegarde de l’emploi] dont on parle dans les médias. » Les syndicats rapportent aussi une recrudescence de ruptures conventionnelles à l’initiative des employeurs, malgré le rôle d’amortisseur joué par le dispositif d’activité partielle.

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