« L’homme qui consacre une partie de son temps à ses enfants ou à ses parents transgresse des stéréotypes puissants »

« L’homme qui consacre une partie de son temps à ses enfants ou à ses parents transgresse des stéréotypes puissants »

Les pages people des magazines montrent de plus en plus souvent des acteurs ou des sportifs célèbres, musculature avantageuse, lunettes noires sur le nez et bébé dans les bras. Dans les parcs, on voit fréquemment de jeunes pères piloter des landaus avec adresse, apparemment sans risque pour leur masculinité. Etre papa et s’occuper au quotidien de ses jeunes enfants est-il désormais socialement admis ?

Le congé de paternité rémunéré, créé en 2002 et porté à vingt-cinq jours en 2021, contribue à renforcer les liens entre les pères et leur progéniture. Mais nos recherches (« Deviation from the ideal worker norm and lower career success expectations : A “men’s issue” too ? », par Clotilde Coron et Emmanuelle Garbe ; Journal of Vocational Behavior, 2023) montrent la force des stéréotypes encore à l’œuvre dans l’univers professionnel.

Les manageurs se mettent à douter

Pour un homme, diminuer son activité pour passer du temps avec ses enfants reste toujours, malgré l’image d’Epinal de la paternité épanouie, un choix à haut risque. Très peu d’entre eux d’ailleurs s’y osent. Ils ne sont aujourd’hui que 1 % à opter pour un temps partiel volontaire afin de s’occuper de leur famille, que ce soit de jeunes enfants ou de parents âgés en perte d’autonomie.

Deux fois plus d’hommes passent à temps partiel pour mener une seconde activité professionnelle ou pour suivre une formation que pour prendre soin de leur famille. Ceux qui gardent du temps libre pour se consacrer à un hobby sont également plus nombreux que ceux qui veulent s’occuper de leurs enfants ou de leurs parents !

Nos recherches permettent de comprendre ces réticences. Les recherches existantes montrent que les quelque 30 % de femmes qui travaillent à temps partiel (dont la moitié pour des raisons familiales) sont pénalisées dans leurs carrières, avec des salaires horaires inférieurs, plus de difficultés d’accès aux responsabilités et des postes de moindre qualité que leurs consœurs à plein temps. Les hommes qui font le choix d’un temps pour leur famille ne sont pas moins pénalisés que les femmes. Au contraire. Ils le sont doublement.

Comme pour les femmes usant de ces dispositifs, les manageurs se mettent à douter a priori de leur engagement professionnel. S’ils veulent du temps pour leur famille, leur mobilisation au service de l’entreprise devient pour leur hiérarchie forcément incertaine.

Une répartition des tâches récente

Mais cela va plus loin. Les hommes qui choisissent le temps partiel pour s’occuper de leurs proches ne se conforment pas à ce que l’on attend d’un homme. Les mentalités ont moins évolué qu’on ne le croit. Pour 35 % des habitants de l’Union européenne, un homme doit prioritairement gagner de l’argent et une femme s’occuper de la maison et de la famille. Alors que la grande majorité des femmes (68 %) travaillent à temps plein sur le continent, ce « choix » reste considéré par un Européen sur deux comme se faisant au détriment de la famille.

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LJD

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