L’éviction du rédacteur en chef de « Bild » secoue les médias allemands

L’éviction du rédacteur en chef de « Bild » secoue les médias allemands

A Berlin, le 26 septembre 2021.

C’est sous la forme d’un bref entrefilet que le tabloïd allemand Bild a informé ses lecteurs, mardi 19 octobre, qu’il y avait du changement à la tête de sa rédaction. « A la suite des investigations parues dans la presse, [le groupe] Axel Springer a relevé Julian Reichelt, 41 ans, de ses fonctions de rédacteur en chef de Bild. (…) Pour Mathias Döpfner, patron d’Axel Springer, “Julian Reichelt a formidablement développé Bild sur le plan journalistique et, grâce à Bild Live [un canal d’information en continu diffusé en streaming depuis le 22 août], en a fait une marque tournée vers l’avenir” ».

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Pour connaître les raisons de cette mise à l’écart, ce n’est pas Bild qu’il fallait lire, mais ses concurrents, dont beaucoup ont consacré de longs articles à cette affaire qui secoue le paysage médiatique allemand depuis une enquête publiée, dimanche 17 octobre, dans le New York Times. Selon celle-ci, Julian Reichelt a notamment promu à un poste à responsabilités une journaliste avec laquelle il avait une liaison. « S’ils découvrent que j’ai une relation avec une stagiaire, ils vont se débarrasser de moi », avait-il confié à cette femme en 2016, selon des propos rapportés par celle-ci à une commission d’enquête, et cités par le quotidien américain.

Prises de position très droitières

Si l’article du New York Times a précipité les choses – le limogeage de Julian Reichelt a été annoncé vingt-quatre heures après sa publication –, il n’a toutefois constitué qu’une demi-surprise. Nommé à la tête de la rédaction numérique de Bild en 2014, puis, trois ans plus tard, rédacteur en chef de l’ensemble du journal, cet ancien correspondant de guerre, connu pour ses prises de position très droitières et en lutte permanente contre la politique d’Angela Merkel, jugée trop centriste, avait déjà été inquiété en raison de son comportement vis-à-vis des femmes.

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En mars, il avait ainsi été suspendu pendant douze jours, après que le Spiegel eut révélé, dans un article intitulé « Coucher, promouvoir, virer », qu’il faisait l’objet d’une enquête, confiée à un cabinet externe, par le groupe Axel Springer. A l’époque, il avait toutefois très vite retrouvé son poste, son employeur ayant estimé que les « erreurs de management identifiées dans le cadre de cette investigation [n’étaient] pas de nature criminelle ».

L’image du patron écornée

Pour le groupe Axel Springer, qui a annoncé, le 26 août, le rachat du site d’information politique américain Politico, présenté comme « la plus grosse acquisition de son histoire » (environ 850 millions d’euros), cette affaire tombe au plus mal. D’autant plus qu’elle écorne par ricochet l’image de Mathias Döpfner : le Spiegel a révélé, lundi 18 octobre, un SMS qu’il avait envoyé à un ami, au printemps, après un article paru dans Bild contre les restrictions anti-Covid. Dans ce SMS, Mathias Döpfner saluait Julian Reichelt comme « le dernier et le seul journaliste du pays qui lutte courageusement contre le nouvel Etat autoritaire de RDA », allusion à l’ex-régime communiste d’Allemagne de l’Est, auquel les opposants à la politique sanitaire – notamment à l’extrême droite – aiment comparer le gouvernement actuel.

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