Les salariés à l’épreuve des réorganisations et des fermetures d’entreprises
Fermeture de l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon (Vendée), inquiétudes sur le site de Douai (Nord) de Renault, cessation d’activité pour la sucrerie de Toury, dans l’Eure-et-Loir… Les annonces de fermetures d’usines se suivent et se ressemblent. Les salariés n’ont pas droit de regard sur ces décisions qui les touchent de plein fouet. Pourtant, ils incarnent souvent la seule mémoire de leur usine. La sociologue Amandine Mathivet leur a donné la parole dans « Au turbin ! », son podcast (audio) mensuel sur la vie au travail.
Dans des récits parfois confus, parfois prenants, les personnes interrogées témoignent de leur incompréhension face à des directions virevoltantes et des décisions jugées arbitraires. Il leur est demandé de s’adapter à un monde du travail devenu instable. Mais ces discours paraissent en décalage complet face au ressenti de ces salariés, souvent âgés et peu qualifiés.
Toutes deux employées dans une plate-forme logistique, Christiane et Martine ont connu quatre directions différentes en trois ans. Désabusées, les deux femmes témoignent d’un métier usant, où il leur est demandé de faire deux cents à trois cents pièces par heure, et de stratégies d’entreprises décousues. Suite à plusieurs réorganisations, un plan de départs volontaires leur a été présenté. « Après avoir travaillé plus de vingt ans (…), en plus abîmée physiquement, c’est difficile d’entendre ça », reconnaît Christiane.
« L’inquiétude est au niveau des personnes de la logistique qui ont atteint un âge mûr », renchérit la salariée. Même si le plan de départs leur offre la possibilité de se former à un nouveau métier, Christiane et Martine savent qu’avec leur CV leurs chances de retrouver un emploi ailleurs sont minces. Les deux salariées déplorent que leur employeur n’ait pas davantage investi pour développer leurs qualifications. « Ce n’est pas nous qui sommes obsolètes, c’est qu’on ne nous a pas formées », revendique Martine.
« Un uppercut en pleine figure »
Le podcast donne ensuite la parole à François, qui a vu fermer en 2009 l’usine dans laquelle il a travaillé pendant trente ans. Une annonce reçue « comme un uppercut en pleine figure », selon son expression. Rien ne justifiait cette fermeture, de son point de vue : « Le site faisait des bénéfices, avait des projets… »
Malgré une longue bataille judiciaire menée par les syndicats, l’usine a fini par fermer définitivement ses portes. Entré en 1975 dans cette entreprise – lui-même est le fils d’un employé de l’usine –, François témoigne du « sentiment de se faire voler quelque chose » face à la fermeture d’un site passé de mains en mains, mais qu’il s’est approprié et auquel il a donné ses meilleures années.