Les entreprises américaines prises dans le flux et le reflux du wokisme

Les entreprises américaines prises dans le flux et le reflux du wokisme

Analyse. Les conservateurs républicains ont remporté la bataille de l’avortement sur le plan juridique, la Cour suprême des Etats-Unis ayant supprimé ce droit fédéral à l’été 2022. Fort de cette victoire, ils mènent un nouveau combat : la lutte contre le « capitalisme woke », ce capitalisme « éveillé », censé prendre en compte les responsabilités sociétales de l’entreprise, qu’il s’agisse d’environnement, d’égalité femmes-hommes ou de non-discrimination.

La cause a trouvé son promoteur : Andy Puzder, candidat malheureux au poste de ministre du travail de Donald Trump et ex-PDG d’une chaîne de restauration rapide. A 72 ans, il cherche à reprendre le flambeau de Milton Friedman, le père du monétarisme, qui écrivait dans un article resté célèbre de 1970 : « La responsabilité sociale de l’entreprise, c’est d’augmenter ses profits. »

Dans un entretien au centre de réflexion The Heritage Foundation, M. Puzder pourfend les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises : « L’investissement ESG est négatif pour les bénéfices, c’est négatif pour les rendements des investisseurs. Ce n’est positif que si vous êtes l’un de ces croisés progressistes qui essaient de pousser ces sujets et de forcer les Américains à les ingurgiter sans passer par les urnes. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Le Capitalisme woke » d’Anne de Guigné : les entreprises face à la morale

Si Milton Friedman avait perdu la bataille depuis quinze ans, ce fut d’abord à cause de la fin de la « mondialisation heureuse » et de la crise de 2008 : le capitalisme avait failli et le laisser-faire n’était plus une option. Progressivement, la politique et les enjeux sociétaux se sont invités dans le monde de l’entreprise.

Retour de manivelle

Ce fut d’abord la prise de distance avec la National Rifle Association (NRA) qui faisait et défaisait les candidatures républicaines, alors que se multipliaient les tueries de masse. Ce fut ensuite le choc de #metoo, après les révélations sur le prédateur sexuel Harvey Weinstein, producteur de cinéma. Puis il y eut le mouvement déclenché par la mort de George Floyd, un Afro-Américain étouffé par un policier blanc de Minneapolis en mai 2020.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Les militants woke s’inscrivent dans une histoire longue de mobilisation politique de la jeunesse »

Depuis quelques mois s’est ajoutée à cette liste la prise de conscience des enjeux climatiques. L’entreprise américaine a été sommée de se positionner sur ces thématiques en adoptant un agenda progressiste, comme l’exigeaient ses jeunes salariés et une partie de plus en plus militante de ses interlocuteurs (clients, fournisseurs, etc.), prompts à brandir l’arme du boycott.

Jusqu’au retour de manivelle républicain. Depuis un an, les conservateurs se sont sentis assez forts pour croiser le fer avec des corporations jugées jusqu’ici inattaquables. Tout a commencé par le match entre le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis – qui a fait passer une loi interdisant l’enseignement sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle à l’école jusqu’à l’équivalent du CE2 –, et Disney. La firme ayant critiqué la loi, M. DeSantis a fait supprimer les avantages fiscaux dont elle bénéficiait pour son parc d’attractions d’Orlando.

Il vous reste 49.84% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.