« Le Travail et ses espaces » : une histoire des bureaux aux ambitions multiples

« Le Travail et ses espaces » : une histoire des bureaux aux ambitions multiples

C’est un immeuble tertiaire dont les salles de travail ont des allures d’open space. Les bureaux des salariés fourmillent d’innovations, on peut y travailler comme à une table d’architecte. Le bien-être des employés a été réfléchi par le client et mis en musique par l’architecte Franck Lloyd Wright. Aux murs, des valeurs « corporate » sont gravées : « generosity », « imagination », « cooperation »… Baptisé Larkin Building, ce bâtiment a été édifié à Buffalo (New York) en… 1906.

Dans son ouvrage Le Travail et ses espaces, Jean-Pierre Bouchez, directeur de recherche à l’université de Paris-Saclay, nous propose une plongée dans l’histoire du travail et de ses espaces. Elle permet de découvrir, comme à Buffalo, des conceptions avant-gardistes qui ont fait date. C’est le cas des premiers bureaux non attribués de manière permanente et du concept de « non-territorialité », qui voient le jour dès les années 1970 à titre expérimental chez IBM. Lors de la conception de ce flex office avant l’heure, on s’interroge déjà sur les conséquences d’une telle organisation de l’espace sur la communication et la performance des équipes.

S’il souligne la précocité de certaines stratégies spatiales, l’ouvrage montre également combien elles sont le fruit d’une conjonction de facteurs. Elles progressent au rythme des innovations dans la construction comme dans les technologies de communication. Elles sont aussi et surtout portées par les visées managériales des entrepreneurs.

Les manageurs en première ligne

Ainsi le travail sur la luminosité peut être réalisé dans un but de contrôle social. M. Bouchez cite l’exemple d’un immeuble construit en 1886 dans le Nebraska : « En plus du toit vitré, les murs intérieurs autant qu’extérieurs sont ornés de grandes fenêtres. » Les occupants des bureaux fermés sont ainsi exposés en permanence au regard des autres. « Seuls les cadres supérieurs ont alors droit à un bureau autorisant une grande intimité, grâce à une source de lumière privée », précise-t-il.

L’histoire des lieux raconte des ambitions multiples, parfois difficiles à réaliser. L’ouvrage montre ainsi la complexité pour les flex offices de répondre à toutes les promesses qu’ils sont censés tenir. Les coûts immobiliers sont, certes, réduits, mais, dans le même temps, « l’accroissement des performances collaboratives des usagers » et « l’amélioration du confort et du bien-être au travail » sont « loin d’être démontré[s] », note l’auteur.

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L’ouvrage souligne ensuite que les évolutions récentes des bureaux placent les manageurs en première ligne. Les mutations à l’œuvre doivent être accompagnées. Dans les flex offices tout d’abord, où peuvent se renforcer l’« insécurité émotionnelle » des salariés et le sentiment qu’ils sont interchangeables. De même, « la collaboration ne se décrète pas », expose l’auteur, qui explique combien l’encadrement doit avoir un rôle moteur dans les espaces ouverts.

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LJD

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