Le succès de la bande dessinée ne profite pas aux auteurs, qui s’appauvrissent

Le succès de la bande dessinée ne profite pas aux auteurs, qui s’appauvrissent

Le ministre de la culture, Franck Riester, au Festival de la bande dessinée d’Angoulême, en janvier.
Le ministre de la culture, Franck Riester, au Festival de la bande dessinée d’Angoulême, en janvier. YOHAN BONNET / AFP

« La France aime le 9art ! » Franck Riester, ministre de la culture, a déclaré sa flamme à la bande dessinée, en présentant l’évènement BD 2020, devant un parterre de professionnels, rue de Valois, à Paris, mercredi 18 décembre. « La programmation est multiple et protéiforme, avec, pour le moment, plus de 350 événements prévus » en France, s’est réjouie le ministre. « Il est grand temps de consacrer à la BD toute l’attention qu’elle mérite. La reconnaissance a été trop tardive. » Le coup d’envoi sera donné lors de la 47édition du Festival d’Angoulême, le 30 janvier 2020.

Car derrière l’engouement des Français pour la BD − 8,4 millions de Français en achètent, et le secteur a généré un chiffre d’affaires de 276,2 millions d’euros, en 2018, selon le Syndicat national de l’édition − se cache un mal-être grandissant. Selon les derniers chiffres officiels, qui datent de 2014, 53 % des 1 500 auteurs interrogés à l’époque déclaraient un revenu inférieur au smic et, parmi eux, 36 % étaient au-dessous du seuil de pauvreté.

« [Et depuis], on sait que la situation s’est aggravée. Il ne passe pas une semaine sans qu’un auteur jette l’éponge », explique Samantha Bailly, autrice et vice-présidente de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et de la Ligue des auteurs professionnels.

« Les auteurs ne peuvent plus vivre convenablement »

Depuis plusieurs années, les auteurs ne sont plus payés à la page, mais signent un contrat avec les éditeurs sur l’ensemble de l’ouvrage. « Le prix a diminué. Les auteurs ne peuvent plus vivre convenablement. Même les plus anciens ont peu de garanties. Il y a une véritable paupérisation », constate Emmanuel Lepage, l’un des rares auteurs à vivre du métier (Ar-Men, l’enfer des enfers, publié chez Futuropolis en 2017).

« A part les rares Zep, Arleston…, ceux qui travaillent le plus, avec les plus gros éditeurs, ont un petit smic », déplore Emmanuel De Rengervé, délégué général du Syndicat national des auteurs (SNAC). « Les difficultés sont connues. Trop nombreux sont ceux qui souffrent d’une précarité », a reconnu Franck Riester, qui, en début d’année, a commandé un rapport sur la situation des créateurs.

Un rapport Racine très attendu

« Un travail achevé, que Bruno Racine [ancien président du Centre Pompidou, puis de la Bibliothèque nationale de France] me remettra prochainement. Nous pourrons alors décider d’actions concrètes », a déclaré le ministre. Une remise très attendue par les auteurs. « Le rapport Racine est un animal fabuleux, comme le Marsupilami ! On sait qu’on va le voir, mais on ne sait pas quand ! », a déclaré Jul (Silex and the City), parrain de BD 2020, devant le ministre et sous des rires un peu gênés. Or ce rapport ne sera pas le dernier. Une enquête qualitative complémentaire, censée permettre de mieux connaître la situation des auteurs, a été demandée par le ministre.

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« Après quatre ans de mobilisation des auteurs, nous n’avons encore rien vu de concret », regrette Marc-Antoine Boidin, scénariste, dessinateur et vice-président du SNAC, tout en reconnaissant que c’est la première fois qu’un ministre se penche réellement sur ce sujet. « [M. Riester] a annoncé une allocation d’achats de matériel pour les artistes, même si on ne connaît pas encore son montant ni ses conditions. Il s’est cependant montré frileux sur la question de la rémunération des auteurs dans les festivals. »

Mme Bailly attend des mesures fortes : « Il faut un vrai courage politique face aux éditeurs. » Elle demande au gouvernement de « mettre de la régulation dans cette jungle absolue » et de créer un statut professionnel pour les auteurs, avec des protections sociales.

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