Le regard sur les chômeurs s’est durci
L’opinion publique s’est durcie à l’égard des chômeurs. Il y a désormais 48 % de la population qui pense que les demandeurs d’emplois ne font pas vraiment d’efforts pour décrocher un poste, d’après une récente enquête coréalisée par l’Institut Elabe et l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime d’indemnisation des personnes sans travail. Le pourcentage est en hausse de trois points par rapport à la précédente étude du même type, conduite en juin. Selon elle, « un certain soupçon » progresse, probablement en lien avec la reprise économique.
Diffusés le 17 décembre, les résultats de ce « baromètre » s’appuient sur un sondage effectué du 31 août au 27 septembre auprès d’un échantillon représentatif de quelque 3 000 individus d’au moins 15 ans habitant en métropole. De cet exercice, il ressort que 43 % des participants imputent la « responsabilité du chômage » aux demandeurs d’emploi, soit sept points de plus que dans l’enquête menée en juin. Dans près de six cas sur dix, les sondés considèrent que les chômeurs ont des difficultés à trouver une activité « car ils ne font pas de concession dans leur recherche » (+ 3 points). Ils sont par ailleurs 55 % à juger que les inscrits à Pôle emploi ne travaillent pas parce qu’« ils risqueraient de perdre leur allocation » (+ 3 points également par rapport à juin). Enfin, l’idée selon laquelle « les chômeurs sont des assistés » est partagée par 39 % des personnes interrogées.
Pression accentuée
Ce regard suspicieux est « paradoxal », car dans le même temps, une écrasante majorité de la population estime que le chômage constitue « une situation davantage subie que choisie » : les trois quarts des sondés sont, en effet, de cet avis – une proportion qui est toutefois inférieure de trois points à celle mesurée dans le précédent baromère. Pour les deux tiers des participants à l’enquête, le fait de pointer à Pôle emploi est « une fatalité, un coup du sort » dont on est victime.
Ces « représentations » ambivalentes, où la bienveillance cohabite avec les appréciations péjoratives, se fondent sur une « connaissance partielle » de la réalité, d’après l’étude. Un euphémisme pour indiquer que le degré d’ignorance atteint des niveaux significatifs au sujet des femmes et des hommes en quête d’un poste. Un seul exemple : 30 % des personnes questionnées « sous-estiment » le montant mensuel moyen de l’allocation-chômage et 34 % le « surestiment » (la « réponse correcte » étant 990 euros).
La publication de ces données intervient alors que la pression s’accentue sur les demandeurs d’emploi, conformément au cap fixé par Emmanuel Macron lors de son allocution du 9 novembre. En 2022, les 600 agents de Pôle emploi, chargés de s’assurer que les chômeurs font bien des démarches pour se faire embaucher, vont augmenter leurs contrôles de 25 %, en particulier dans les secteurs où les entreprises peinent à recruter de la main-d’œuvre, faute de candidats. Au sein de l’opérateur public, cette orientation est critiquée par des représentants du personnel : les vérifications se dérouleront sur « des délais plus courts », ce qui risque de poser problème quand les demandeurs d’emploi, découragés, ont besoin d’être « remobilisés car cela demande du temps et une relation de confiance », comme l’explique Bernie Billey (CFDT). « Les personnes inscrites chez nous risquent d’avoir plus de difficultés pour justifier de leurs recherches », renchérit Sylvie Espagnolle (CGT).
Il vous reste 30.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.