« Le modèle de l’entreprise se situe entre celui de la cathédrale et celui du bazar »

« Le modèle de l’entreprise se situe entre celui de la cathédrale et celui du bazar »

« La possibilité de s’exonérer pour partie du cadre formel, à travers l’octroi d’une initiative renforcée voire libérée, permet de stimuler ainsi l’innovation par une forme de lâcher prise ».
« La possibilité de s’exonérer pour partie du cadre formel, à travers l’octroi d’une initiative renforcée voire libérée, permet de stimuler ainsi l’innovation par une forme de lâcher prise ». Ingram / Photononstop

Tribune. Le hacker américain Eric Raymond s’est fait connaître comme l’un des fervents propagandistes du terme « open source » qu’il a largement popularisé, notamment dans un essai célèbre considéré souvent comme un texte fondateur intitulé The cathedral & the bazaar (1999). Dans cet ouvrage, qui reste largement d’actualité, l’auteur distingue ainsi « deux styles de développement fondamentalement différent » : celui de la cathédrale et celui du bazar.

Il affirme que le modèle de la cathédrale est adopté par « la majorité du monde commercial », reposant sur une approche « centralisée », soigneusement élaborée « par des sorciers isolés ». On relèvera d’ailleurs qu’en vieux français, le verbe cathédrer et le participe cathédrant ont signifié « présider ». De même on peut considérer que le style gothique des cathédrales, dans la recherche de verticalité, participe assurément à l’expression de son esthétique.

Décrivant le modèle du bazar, Eric Raymond se réfère au monde de Linus Torvalds, créateur du fameux système d’exploitation Linux, qu’il qualifie de « subversif ». Il prend forme « comme par magie à partir de bidouilles » issues d’un grand nombre d’utilisateurs traités en tant que codéveloppeurs et organisés sous forme de communautés.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment Linux est devenu un enjeu stratégique majeur pour la Silicon Valley

Le hacker souligne complémentairement que le monde Linux, sous de nombreux aspects, « se comporte comme un marché libre ou un écosystème, un ensemble d’agents égoïstes qui tentent de maximiser une utilité, ce qui au passage produit un ordre spontané, autocorrecteur, plus élaboré et plus efficace que toute planification centralisée n’aurait pu l’être ». On peut parler d’apparente désorganisation – c’est bien le sens auquel se réfère le terme « d’ordre spontané » au sens sociologique – émanant du comportement et des interactions des individus.

Deux types de démarches volontaristes

On relèvera cependant que les études de sciences sociales sur le bazar urbain iranien laissent entrevoir une certaine forme de structuration. Ainsi, l’organisation des quartiers du bazar se fait en fonction de plusieurs facteurs comme l’attractivité du produit, la compatibilité des commerces, l’incompatibilité des produits, etc.

Chaque quartier possède même un chef hiérarchique (« kadkhoda »), généralement élu, dont la mission consiste en particulier à rappeler aux vendeurs d’être honnêtes, et à instruire les plaintes éventuelles des clients. Ce qui au passage comporte des analogies avec les nouveaux espaces collaboratifs des organisations propices à l’innovation, fonctionnant comme des villes en miniature avec ses rues, ses quartiers et ses banlieues. On peut donc utiliser le terme de « bazar organisé », en l’appliquant, avec des intensités variables, aux organisations.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.