Le « marécage juridique » des frais du télétravail
Droit social. Véritable boîte de Pandore, la prise en charge des frais liés au télétravail est source de tensions, que la démocratisation du travail à distance va renforcer en l’absence de régulation collective. Où commencent ces frais, et surtout, où s’arrêtent-ils ?
Car au-delà des règles d’ordre public visant les instruments de travail (ordinateur), le diable se niche dans les détails. Ainsi de la connexion Internet : rembourser l’intégralité de l’abonnement illimité « triple play » utilisé par toute la famille ? La dépense supplémentaire liée au télétravail ? Mais comment évaluer précisément la part d’utilisation dans le cadre de l’emploi ?
La grande généralité de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 est emblématique de cet embarras général : « Il appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation préalable de l’employeur (…). Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social ». Quelle prudence !
Or, si guerre des coûts il doit y avoir, il n’est pas certain que les salariés en sortent gagnants. Car plutôt que de devoir évoluer dans ce marécage juridique sous le regard sourcilleux de l’Urssaf et du fisc, nombre d’employeurs préféreront renoncer au télétravail salarié.
Seule solution pour éviter paperasserie ou contestations sans fin, une indemnité forfaitaire, par jour télétravaillé chaque semaine, dans les clous fixés par l’Urssaf : dix euros mensuels maximum, treize en cas d’accord de branche ou de groupe.
Bombe à retardement
Et des règles collectives : une charte, ou si possible un accord d’entreprise. En effet, la gestion individuelle d’hier est impensable, s’agissant désormais de centaines de collaborateurs très attachés – comme nos juges – à l’égalité de traitement. Les avantages sont d’ailleurs examinés de près par les salariés de première ligne n’ayant pas accès à cette flexibilité plébiscitée, et y voyant une double peine.
Car la légalité n’est pas tout : la légitimité est importante. Si, par exemple, l’entreprise réalise des gains immobiliers substantiels, collaborateurs et syndicats ne verront pas d’un bon œil une gestion pingre des coûts liés au travail au domicile.
La prise en charge la plus importante et la plus discutée parmi ces frais est sans doute l’utilisation professionnelle d’une pièce affectée. La jurisprudence distingue ici deux situations : si le salarié disposant d’un poste de travail dans l’entreprise ne peut y prétendre, commerciaux et itinérants peuvent l’obtenir car « l’occupation, à la demande de l’employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci. L’employeur doit l’indemniser de cette sujétion particulière, ainsi que des frais engendrés par l’occupation à titre professionnel du domicile ».
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