« Le gouvernement rompt l’équilibre entre l’activité de l’entreprise et le droit au repos des travailleurs »
Tribune. L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, prise dans le cadre de la loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid -19 », autorise l’employeur, dans « l’intérêt de l’entreprise eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-1933 », à modifier de manière unilatérale les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait annuel et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié.
Le gouvernement s’attaque ici à la question du temps de travail et de son corollaire, celle des temps de repos. Parmi les temps de repos, les congés payés ont la dimension d’un symbole. Ils ont été acquis de haute lutte. La généralisation de cette révolution culturelle que fut la création des congés annuels payés n’a en effet pas été accordée par le bon vouloir patronal, mais arrachée, à l’époque du Front Populaire, par la grève générale de mai et juin 1936.
Avec les vacances payées, ils avaient conquis le droit, presque autant que les bourgeois, de voir la mer ou la montagne. Et même s’ils n’ont pas tous vu la mer, cela a pu leur donner le sentiment qu’ils n’étaient plus du bétail. Les congés payés symbolisent la part de liberté individuelle qui ne peut être enlevée aux travailleurs. Ce « droit à l’évasion » du travailleur est la trace historique d’une véritable révolution existentielle.. Les photographies de l’époque traduisent un sentiment de liberté et de dignité retrouvée de façon extrêmement forte.
Une modification du droit aux congés payés
Or, l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 modifie radicalement – au sens de pris à la racine – le droit aux congés payés. Non seulement elle vient rompre l’équilibre trouvé entre les nécessités de la poursuite de l’activité de l’entreprise et le droit au repos des travailleurs, mais elle dénature ce droit.
Ce texte pris en urgence, sans la moindre discussion, permet qu’un « accord d’entreprise » ou, à défaut, un « accord de branche », pourra déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur se verra autorisé à décider de la prise de jours de congés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période à laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement ses dates de prise de congés payés, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour.
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