Le droit du travail après les dérogations
Droit social. Le tsunami économique et donc organisationnel causé par le Covid-19 a logiquement entraîné une avalanche de textes, indispensables à nombre d’entreprises pour s’adapter rapidement à la chute parfois abyssale de leur activité. But : éviter des licenciements économiques massifs, mais aussi préparer l’après. Crainte : que ces mesures d’exception perdurent au-delà des circonstances exceptionnelles qui les ont fait naître.
Mais avant d’évoquer des « mesures liberticides », il convient, comme le font nos juges, de vérifier trois critères : le texte est-il justifié par la gravité de la situation ? Proportionné au but recherché ? Et limité à la durée prévisible de l’urgence en cause ? En n’oubliant jamais notre cher La Fontaine : « Ne faut-il que délibérer, la cour en conseillers foisonne. Est-il besoin d’exécuter, l’on ne rencontre plus personne ! »
Revue des quatre catégories de réformes.
– D’abord celles à durée très déterminée et pragmatiques, par exemple pour faire fonctionner le dialogue social. Ainsi de la visioconférence, voire des conférences téléphoniques, en matière de négociation collective ou de réunions du comité social et économique, logiquement limitées à la seule période « d’urgence sanitaire » (jusqu’au 24 mai 2020). Même si elle devait être renouvelée, l’idée d’une digitalisation totale de ces réunions n’est réclamée par personne.
– Les mesures visant le temps de travail, pour les seuls « secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale », fixées par décret. L’ordonnance du 25 mars permet de déroger à la durée maximale quotidienne pouvant passer de 10 heures à 12 heures, et hebdomadaire de 48 heures à 60 heures. Ces mesures visent donc les secteurs en forte tension : il paraît difficile d’embaucher du jour au lendemain des infirmières ou des chauffeurs routiers.
Nouveauté la plus sensible
Autorisées en cas « d’événements exceptionnels » par les directives de 1989 et 2003, ces dérogations sont valables jusqu’au 31 décembre 2020, pour permettre un rebond rapide. Et nous ne sommes pas dans des pays autoritaires de l’ex-bloc de l’Est.
– Nouveauté la plus sensible : celle visant les jours de repos ou de congé, pour amortir le choc. Avec la prise anticipée de jours de congé, mais aussi de RTT ou figurant sur le compte épargne-temps. Rude question, en forme de conflit des logiques : côté salarié, le confinement n’est vraiment pas de tout repos, et ne ressemble en rien à des vacances. Mais pour des entreprises exsangues, avec trois mois sans recettes, c’est une question vitale que de pouvoir répondre immédiatement à la demande.
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