Le collectif Vignobles Gabriel & Co assure la défense de vignerons bordelais face aux puissants négociants
Ils ont choisi de se regrouper pour mieux se défendre. Avant même que la crise des ventes de vin ne frappe le Bordelais, ils avaient dressé leurs cuvées en ordre de bataille. Et, aujourd’hui, il y a comme un parfum de victoire, avec une douzaine de références sélectionnées pour les foires aux vins d’automne. Eux, ce sont les Vignobles Gabriel & Co, un nom qui réunit une trentaine de vignerons bordelais sur la rive droite de la Garonne. Grâce à cette structure atypique, ce collectif à la croisée du négoce, de la coopération et de la viticulture indépendante écoule environ 6 millions de bouteilles chaque année, à prix sages (7 euros en moyenne).
« Ce modèle hybride permet de mutualiser idées et moyens techniques, de valoriser l’identité de chaque vigneron, de bâtir une force commerciale, et aussi de favoriser un engagement éthique et environnemental », assure Jean-François Réaud, 63 ans, président et fondateur de cette entreprise. Le modèle est vertueux : les deux tiers des producteurs travaillent désormais en agriculture biologique et les bouteilles affichent toutes le logo Fair for Life, un label attribué par Ecocert, attestant de pratiques commercialement équitables.
Certes, Jean-François Réaud, lui-même vigneron propriétaire des Châteaux Le Grand Moulin, Les Aubiers et Haut Sociondo, dans l’appellation blaye-côtes-de-bordeaux, ne nie pas le contexte maussade du marché bordelais, soit une baisse de 7,1 % des ventes depuis un an dans le pays. Mais le créateur de Vignobles Gabriel & Co veut croire aux atouts de son projet, qui a grandi en marge de la « place de Bordeaux », le système de négoce qui régit la mise en marché de plus de 70 % des vins de la région.
L’histoire du collectif est d’abord la sienne. Quand, au début des années 1980, il récupère la ferme familiale du Grand Moulin, dans le nord de la Gironde, avec ses 7 hectares de vignes subsistantes, il veut s’affranchir du système consensuel du négoce girondin. « Je trouvais que ce modèle nous privait du ressenti du consommateur », justifie Jean-François Réaud. Mais le jeune vigneron a beau s’échiner à faire connaître lui-même ses vins, ses ventes patinent. « La banque menaçait de me lâcher, il me fallait trouver un marché de gros volume. »
Du bricolage à la maîtrise
Plutôt que de vendre en vrac au négoce, il tente alors de pénétrer la grande distribution : « Un acheteur de chez Carrefour, qui aimait bien mon vin, m’a fait comprendre que si je voulais contourner la “place de Bordeaux”, il fallait que je devienne moi-même négociant pour sécuriser une qualité et un volume constants. »
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