L’argot de bureau : le « design thinking » ou les fruits de l’empathie
Dans la grande famille des réunions, il en est une qui fait plus de bruit que les autres. Ici, chacun est appelé à donner son avis sur les projets de l’entreprise, car aujourd’hui on sort de la tyrannie du « yakafokon ». Au centre de la table, un puzzle où chaque salarié joint sa petite pièce, car, après tout, « seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ». Tourné vers les besoins des utilisateurs ou des collaborateurs lambda, armé de chouquettes et de smoothies kiwi-goyave, le « design thinking » (« DT ») est cool, branché, profondément disruptif… A condition que cela en soit encore. « Ce n’est pas du tout une réunion où on disserte avec des [notes autocollantes] », réfute Catherine Lenglet, référente pédagogique à l’école de design Strate, à Sèvres (Hauts-de-Seine).
Car, avant d’être un mode de management des projets qui exhorte à la sortie des sentiers battus, le design thinking est un processus d’innovation collective précis, souvent utilisé en marketing. Attention, il n’est pas question, comme la traduction pourrait le laisser croire, de « penser au style » du logo ou des bureaux de la boîte. Le verbe design en anglais signifiant « concevoir », on parlera de « conception innovante » pour définir cette technique.
Le design thinking tire ses origines de la psychologie cognitive californienne, et la méthode fut popularisée à l’université Stanford (Californie) dans les années 1980. Elle s’inscrit dans le design « centré sur l’utilisateur » – à opposer au traditionnel design produit – et cherche à utiliser l’empathie pour créer : l’idée est de se mettre à la place du client quand on réfléchit, d’où son usage galvaudé par des manageurs souhaitant tourner la culture de leur entreprise vers plus d’« humain ».
Son cousin foufou
Le modèle de la d-school de Stanford est le plus célèbre. Il s’exerce en cinq étapes : comprendre les clients et découvrir leurs besoins cachés (« empathize »), formuler la problématique (« define »), produire des idées (« ideate »), développer des solutions tangibles (« prototype ») et les expérimenter (« test »). Catherine Lenglet insiste : le processus ne s’arrête pas tant qu’il n’y a pas de résultat satisfaisant.
L’objet est au cœur de la démarche, puisqu’il s’agit d’obtenir un résultat tangible, contrairement à son cousin foufou, le brainstorming, tempête de cerveaux ou remue-méninges choral. Ici, on réunit les collaborateurs, experts en leurs domaines, pour trouver une solution pluridisciplinaire à un problème – un bon moyen de souder les équipes au passage. « Le design est un métier de synthèse entre l’ingénieur, le commercial et le designer qui facilite les échanges », explique Catherine Lenglet.
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