L’argot de bureau : « Equicoaching », ou le cheval qui murmurait à l’oreille des manageurs
« Le cheval est un médiateur qui agit comme un révélateur. L’équicoaching permet d’explorer des ressources insoupçonnées individuelles et collectives pour imaginer demain dans l’organisation. » Vous venez de le vérifier, cette chronique n’est pas parue le 1er avril. Vous pouvez aussi vérifier que ces phrases ne sont pas fictives : que nenni, elles émanent de l’Académie équicoaching, un organisme de formation certifié Qualiopi, qui a accueilli trois mille deux cents personnes en dix ans, et dont Sanofi ou TotalEnergies sont des clients fidèles.
L’équicoaching, inventé dans les années 1990 pour des cadres américains de Volkswagen, et importé depuis vingt ans en France, est une méthode de développement personnel assistée par un cheval. En stage d’un ou deux jours dans un haras, façon classe verte, ou au cœur d’un ensemble façon « séminaire au calme », cette pratique, proposée par de nombreux organismes et lieux champêtres, consiste à organiser la rencontre entre des salariés – la plupart du temps, des manageurs – et des équidés.
Il ne suffit pas seulement de faire du cheval pour s’aérer la tête, loin de là ! A en croire les prestataires qui vendent ce concept, cette rencontre au potentiel quasi mystique peut résoudre tous les problèmes d’un cadre au profond mal-être et à court de solutions : améliorer son appartenance à l’équipe, développer ses « soft skills » (son comportement), son leadership, ou encore l’aider à gérer les crises et à mettre en place un management agile.
L’équidé devient un collaborateur
Bien entendu, tout cela est donc transposable au bureau : chassez le professionnel, il revient au galop. L’analogie, quelque peu maladroite, doit se faire naturellement avec les « N − 1 » du manageur.
En effet, le temps de la formation, qui comprend des moments théoriques sur les fondamentaux du management, l’équidé devient littéralement un collaborateur : le binôme sera plus ou moins productif, et des résultats seront attendus par votre responsable, ici incarné par le patron du haras (ou « équicoach »). Par exemple, attirer le cheval au centre d’une bâche bleue, les quatre pattes dessus. Pourtant, le cheval n’a pas envie, et n’aime généralement pas le bruit de ses fers sur cette surface inconfortable. Il faudra donc y aller avec doigté et petites incitations, façon « nudge ».
Depuis 2021, l’équicoaching est une certification inscrite au répertoire spécifique de France compétences. Hors de l’entreprise, on trouve des occurrences de cette pratique dans le cadre des « vacances apprenantes »proposées par l’éducation nationale à l’école militaire d’équitation de Fontainebleau, ou en milieu carcéral à destination des détenus.
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