« L’appel universelle du 15 mars, lancée par la jeunesse, doit nous interpeler et nous faire réagir »
Un collectif d’universitaires, particulièrement toulousains, salue « l’entrée en résistance » des jeunes contre l’inaction climatique, mais adresse aussi ses remarques aux établissements de recherche elles-mêmes.
Des étudiants et des lycéens ont déclenché un appel à la « grève mondiale pour le futur », le 15 mars, et à des actions renouvelables et amplifiées chaque vendredi. Nous, personnels de la recherche publique et de l’enseignement supérieur, sommes à leurs côtés et avec les enseignants qui auront choisi de les conduire. Nous fêtons leur décision « d’entrer en résistance » face à le sommeil politique comme à l’aveuglement ou à l’acceptation passive qui s’en satisfait.
Par la recherche académique, nous avons un accès favorisé aux résultats très alarmants sur les confusions écologiques et les dérèglements globaux en cours, sans précédent. Nous savons aussi que ceux-ci résultent des activités d’une partie de l’humanité à travers des systèmes socio-économiques qui ont montré leur inaptitude structurelle à prendre en compte le long terme et les limites environnementales. Sitôt globalisé, ce cadre général produit une fuite en avant destructrice. Les tendances actuelles nous conduisent vers des conditions critiques, au point que d’ici quelques décennies à peine l’habitabilité de notre planète pourrait être exposée.
Nos perceptions nous placent en position de témoins malheureusement privilégiés du gouffre continuellement plus béant qui sépare le chemin que devraient suivre nos sociétés pour tenter de borner la catastrophe – par un profond changement de nos modes de vie et les indispensables politiques de justice, de solidarité, de relocalisation et de résilience pouvant rendre ce tournant possible – et la trajectoire mortifère effectivement suivie. Dans la variété de nos disciplines, notre profession au service de la connaissance nous donne l’implication d’en tirer des conséquences pratiques et un engagement dans l’action.
A l’image du déni généralisé
Au cœur même de nos institutions (CNRS, instituts, universités…), nous devons enregistrer que la transition écologique – dans ses dimensions les plus simples – est loin d’être assimilée dans les objectifs et les pratiques. Combien d’organismes de recherche en France ont-ils mis en place une politique véridique de réduction de leur empreinte environnementale ? Combien d’entre nous ont réellement changé leurs habitudes, par exemple, en arrêtant les déplacements en avion ?
La plupart de nos laboratoires sont actuellement inaptes d’évaluer leur propre impact, ne serait-ce qu’en réalisant un bilan carbone complet, alors que c’est une obligation légale. Les modalités d’évaluation des projets comme des carrières encouragent les circulations tous azimuts, particulièrement les congrès et colloques internationaux sans aucune retenue. Le fait que les institutions mêmes qui produisent les résultats les plus alarmants sur l’état du système Terre, et les chercheuses et chercheurs qui tirent constamment la sonnette d’alarme, soient incapables de mettre en place les mesures pour limiter leur propre impact est à l’image du déni répandu qui caractérise nos sociétés.