« L’anonymisation du CV est une mesure efficace de lutte contre les discriminations raciales à l’embauche »

Tribune. En 2017, avec la promulgation de la loi égalité et citoyenneté, les pouvoirs publics enterrèrent définitivement le projet de rendre obligatoire le CV anonyme dans les entreprises de plus de cinquante salariés. En 2016 à l’occasion du rapport Sciberras, les entreprises, qui ne voulaient pas entendre parler d’obligation, avaient jeté la dernière pelletée sur ce projet moribond.
Mais ce fut la publication en 2011 d’une expérimentation conduite par des chercheurs du Centre de recherche en économie et statistiques (Crest), du laboratoire Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) et de l’Ecole d’économie de Paris en partenariat avec Pôle emploi qui servit d’abord de prétexte à l’abandon de cette mesure introduite par la loi du 31 mars 2006.
Paradoxe
En effet, à en croire l’écho médiatique, cette expérimentation – la première menée en France – révélait un paradoxe : elle montrait que les demandeurs d’emplois issus de l’immigration étaient défavorisés par l’anonymisation de leur CV. Ainsi Le Monde avec l’AFP titrait le 4 avril 2011 « Le CV anonyme “pénalise” les personnes issues de l’immigration ». Or les débats sur les résultats de cette expérimentation reposèrent sur un malentendu.
Car l’étude ne s’appuyait pas sur la méthodologie du « testing scientifique », qui consiste à construire des candidatures fictives similaires en faisant varier une caractéristique dont on veut tester l’influence.
Mais alors que nous apprenait exactement cette expérimentation ? Selon cette étude, l’anonymisation des CV pénalisait les candidats issus de l’immigration parce que les signaux négatifs contenus dans le bas de leur CV (formations, expériences) ne pouvaient plus être interprétés – avec bienveillance – par les recruteurs privés de l’information contenue dans le haut du CV (patronyme, adresse, couleur de peau).
Cette expérimentation ne délivrait aucune information sur la variation, suite à l’anonymisation du CV, des chances d’accès à l’entretien d’embauche d’un candidat issu de l’immigration qui aurait une trajectoire professionnelle « sans trou ». Autrement dit, elle n’avait pas évalué l’efficacité du CV anonyme comme dispositif de prévention d’une discrimination raciale à l’encontre d’un candidat au CV qui serait semblable en termes de formation et d’expériences à celui d’un candidat sans origine migratoire.
Un premier pas
Cette expérimentation disait simplement que le CV anonyme était susceptible d’accroître, en certaines circonstances (la bienveillance du recruteur), l’impact des inégalités ethno-raciales dans l’éducation et l’emploi sur l’accès à l’entretien d’embauche.
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