La PME lyonnaise Coverguard accusée de travail forcé par d’anciens prisonniers politiques chinois

La PME lyonnaise Coverguard accusée de travail forcé par d’anciens prisonniers politiques chinois

La prison chinoise de Chishan, le 29 août 2021.

A l’automne 2022, Shi Minglei s’est précipitée dans les rayons de bricolage de la ville américaine de Minneapolis (Minnesota), un carnet à la main. La réfugiée politique chinoise a noté les références des gants de protection de la marque Milwaukee : « Free-Flex Work Gloves », « Impact Demolition Gloves » ou encore « Winter Demolition Gloves ». Rongée par la colère, elle a ensuite pris la plume pour alerter le président de la société Milwaukee Tool, dont le siège se situe à quelques heures de Minneapolis. « Je suis l’épouse d’un célèbre militant chinois des droits de l’homme, Cheng Yuan, et la mère d’un enfant de 6 ans. Or, je n’ai pas vu mon mari depuis mille deux cents jours, écrit-elle. J’ai découvert que mon époux, ainsi que d’autres prisonniers à Chishan [dans la province du Hunan, au centre de la Chine], était exploité comme travailleur esclave pour produire des gants Milwaukee Tool. »

C’est en écoutant, quelques semaines plus tôt, le témoignage de Lee Ming-che, un défenseur taïwanais des droits humains, tout juste sorti de cinq ans de prison en Chine, que Shi Minglei a découvert l’enfer dans lequel était plongé son mari, incarcéré dans la même prison du Hunan depuis juillet 2019. Tous deux travaillaient, sous la contrainte, de douze heures à treize heures par jour, sans repos hebdomadaire, pour fabriquer des gants de protection vendus ensuite aux Etats-Unis, comme l’a révélé, en mai 2023, le média d’investigation américain Wisconsin Watch.

Le témoignage de Lee Ming-che est précieux. De Taïwan, où il craint moins les représailles que d’autres anciens détenus restés en Chine, sa parole est libre et il n’hésite pas à dénoncer ce qu’il a vécu. Il est aussi l’un des seuls à avoir donné à Shi Minglei des nouvelles de son mari. Tout juste a-t-elle reçu de lui quatre lettres, soigneusement examinées par la censure des autorités pénitentiaires, où il évoque, dans des termes vagues, « des journées passées sur la machine à coudre ».

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Selon les deux témoignages recueillis par Le Monde, dont celui de M. Lee, c’est en fait la PME lyonnaise Coverguard, par le biais de sa filiale en Chine, qui faisait travailler les prisonniers de Chishan. Ce sous-traitant de Milwaukee Tool est spécialisé dans les équipements de sécurité et les vêtements de protection. Les anciens détenus contactés se souviennent, en effet, de la marque des gants qu’ils fabriquaient mais aussi d’une autre entreprise dont ils ont vu le nom : Shanghai Select Safety Products, baptisée également « Safety-INXS », filiale de la société lyonnaise. Lee Ming-che confie avoir aperçu, entre 2019 et 2022, le nom Shanghai Select Safety Products sur des étiquettes glissées dans les paquets de tissus qui servaient à fabriquer les gants Milwaukee, et avoir rencontré, dans l’unité de production de la prison, des représentants chargés du contrôle qualité.

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