La leçon de clôture d’Alain Supiot : « La fiction du travail-marchandise doit se terminer »

La leçon de clôture d’Alain Supiot : « La fiction du travail-marchandise doit se terminer »

Le juriste nous rappelle que le rôle du droit du travail est de répondre aux défis que lui posent les conditions d’existence de l’espèce humaine, qui ne cessent de changer.

Par Publié aujourd’hui à 06h00

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Le travail n’est pas une marchandise, leçon de clôture d’Alain Supiot, Editions du Collège de France, 72 pages, 6,80 euros.
Le travail n’est pas une marchandise, leçon de clôture d’Alain Supiot, Editions du Collège de France, 72 pages, 6,80 euros.

Le livre. Un professeur du Collège de France ne part pas sans un dernier discours, c’est ce qu’on appelle sa leçon de clôture. Alain Supiot a saisi cette occasion pour délivrer son analyse des transformations du travail au XXIe siècle et décrire dans Le travail n’est pas une marchandise (Editions du Collège de France) les germes d’un régime de travail qui pourrait devenir « réellement humain ».

Dans ce mince recueil, l’éminent juriste nous rappelle que le rôle du droit du travail est de répondre aux défis que lui posent les conditions d’existence de l’espèce humaine, qui ne cessent de changer. Et à ce titre, face à la révolution numérique et à la crise écologique, le droit doit se remettre en question pour s’adapter à la nouvelle donne, et servir l’intérêt général d’un monde tel que nous voudrions qu’il soit. L’affaissement de l’ordre juridique est « une des caractéristiques communes des régimes totalitaires », alerte l’auteur.

Le risque actuel est que toute considération de justice passe à la trappe de la gouvernance par les nombres, « qui porte à soumettre le droit à des calculs d’utilité ». Appliquée aux travailleurs, elle provoque des dégâts considérables. Le paradigme du travail-marchandise, porté par le néolibéralisme, « a conduit à la réduction du périmètre de la justice sociale aux termes quantitatifs de l’échange salarial (…) et à en exclure deux questions cruciales : comment et pourquoi travailler ? », dénonce-t-il. Poursuivre dans cette voie mène tout droit à l’accroissement des inégalités, à la précarité et au déclassement.

Une « leçon » critique et force de propositions

Mais la « leçon » du professeur du Collège de France ne se limite pas à la critique, elle se veut également force de proposition. La révolution numérique porte à la fois le risque « d’un enfoncement dans la déshumanisation du travail » et l’opportunité de « repenser l’articulation du travail des hommes et des machines », affirme-t-il.

Considérer le travail comme une marchandise pourrait porter à croire que les formes de travail qui lui échappent encore, comme les professions libérales ou la fonction publique, sont appelées à se marginaliser. Alain Supiot y voit au contraire « les germes possibles d’un nouveau statut du travail qui fasse place à son objet c’est-à-dire l’œuvre accomplie – et pas seulement à sa valeur d’échange », explique-t-il.

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LJD

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