La grève chez Vertbaudet, une bataille locale devenue nationale

La grève chez Vertbaudet, une bataille locale devenue nationale

Jean-Luc Mélenchon, lors d’une visite à des salariés de Vertbaudet, à Tourcoing (Nord), le 22 mai 2023.

Cela aurait pu rester un conflit local sur les salaires, semblable à ceux qui ont surgi dans de nombreuses entreprises depuis le début de l’inflation… s’il n’avait pas débuté en pleine bataille contre la réforme de retraites.

Le 20 mars, c’est d’ailleurs le blocage de l’entrepôt Vertbaudet de Marquette-lez-Lille (Nord) par la CGT de Tourcoing venue tracter contre le projet gouvernemental, qui motive 82 des 327 salariés de l’entreprise à se mettre en grève pour la première fois de leur vie. Ces préparatrices de commande, la plupart payées au smic après parfois vingt ans de maison, n’ont pas digéré que l’accord des négociations annuelles obligatoires (NAO) signé le 3 mars par FO et la CFTC ne prévoie que des primes. Pas d’augmentations de salaire.

Plus de deux mois plus tard, 72 sont toujours en grève. Mais le conflit focalise désormais l’attention politique et médiatique. C’est la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, qui, en se rendant sur place le 14 avril, à peine élue, donne le premier coup de projecteur. Elle érige ce piquet en symbole des luttes pour « l’émancipation des travailleuses par elles-mêmes » et appelle « les mamans à boycotter Vertbaudet ».

L’intervention de la police

« Malgré un mois de grève, le combat de ces femmes restait invisible. Il fallait montrer combien cette lutte était emblématique pour attirer des soutiens et créer le rapport de force qui leur manquait », explique au Monde Sophie Binet.

Ce jour-là, peu après son départ, des soutiens extérieurs à Vertbaudet entrent sur le site. La direction, qui fait part de « violences » et de salariés non grévistes « en état de choc », demande l’intervention de la police. Laquelle sera ensuite dépêchée régulièrement sur place pour lever les blocages ou déloger le piquet de grève, parfois sans ménagement.

Mais la tension monte d’un cran les 15 et 16 mai. Deux soutiens sont interpellés, dont l’un en étant violemment plaqué au sol, et placés en garde à vue. Le lendemain, un policier empoigne une gréviste par le cou : elle a quatre jours d’incapacité temporaire de travail. Le soir, la CGT Vertbaudet annonce sur Facebook que l’un de ses délégués syndicaux a été victime d’une « expédition punitive » d’individus en civil « prétendument policiers » qui l’ont embarqué dans un véhicule banalisé pour le frapper et le menacer. Une enquête est ouverte par la procureure de la République de Lille.

Ces violences policières rendent la lutte plus emblématique encore. Dans cette période d’entre-deux, loin de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites, le 1er mai, et avant une dernière opportunité parlementaire pour faire tomber le texte, le 8 juin, la gauche s’empare du symbole.

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LJD

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