La fonction publique face à l’enjeu de la transformation managériale
« Plutôt qu’être rivé sur les performances, j’ai simplement voulu libérer les énergies des agents. » En 2011, éreinté par les procédures, Patrick Négaret, ex-directeur général de la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) des Yvelines, a souhaité « transformer le service public » avec ses 1 600 agents. Les fonctionnaires se sont répartis en unités de travail de dix à quinze personnes, et un système d’innovation participative a vu le jour : « N’importe qui dans la caisse pouvait faire sortir une idée, et on voyait pour la mise en œuvre. Puis l’on a défini ensemble un management bienveillant et exigeant. J’ai commencé avec du lean [une méthode de gestion née au Japon], même si c’est un gros mot dans le public ! »
Lean management, travail hybride, « flex office »… Face au besoin de se moderniser et pour gagner en efficacité, les administrations doivent opérer des transformations managériales. Elles sont souvent pointées pour leur rigidité et la faible marge de manœuvre de leurs agents, qui traversent une crise de sens : 80 % des 4 500 agents interrogés en septembre 2021 par le collectif « Nos services publics » se déclarent « confrontés à un sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail ».
Les administrations en quête d’innovation s’inspirent en premier lieu des entreprises. Patrick Négaret a, par exemple, organisé des visites d’« entreprises libérées » pour familiariser ses agents au travail en autonomie. Placée sous l’autorité de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a publié en 2019 un rapport sur ce que « peuvent apprendre les entreprises libérées aux administrations et organismes publics ». La région Île-de-France, qui a rassemblé en 2018 ses 1 800 agents dans un nouveau siège à Saint-Ouen, a organisé des visites dans les locaux d’Axa ou de Danone, mais s’est surtout inspirée d’une autre administration publique, la Sécurité sociale belge.
Les expérimentations locales
En effet, comme les méthodes du privé ne sont pas toujours facilement adaptables au public, les innovations viennent surtout des collectivités. Ainsi, dans son projet d’administration 2021-2026, la ville de Caluire-et-Cuire (Rhône) a instauré la subsidiarité comme base d’organisation pour ses 600 agents : « cela veut dire qu’il faut faire confiance. Il faut que ce soit l’agent qui dispose de la bonne information et du contact avec les usagers qui puisse prendre des décisions du quotidien, explique Bernard Agarini, directeur général des services. Avant, il y avait une organisation en silos étanches, et des services qui communiquaient assez peu entre eux. Il a fallu un long parcours pour faire comprendre qu’on était plus riches à réfléchir à plusieurs ».
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