« La croyance selon laquelle le mérite détermine la réussite est fausse »
Tribune. Ouvrant une séquence visiblement destinée à rééquilibrer l’axe politique du quinquennat de droite à gauche, le président de la République, Emmanuel Macron, a multiplié les annonces liées à l’égalité des chances : le 11 février, un millier de places supplémentaires créées dans des « Prépas Talents » et des parcours spécifiques dans certaines grandes écoles, le 12 février lancement d’une plate-forme « anti-discriminations », le 1er mars un programme d’incitation au mentorat.
L’intention, à l’évidence, est louable. Oui, il faut permettre à chacun de ne pas être assigné au milieu social dans lequel il est né. Oui, il est absolument nécessaire de redémarrer l’ascenseur social qui, dans notre pays, est en panne depuis des années. Les chiffres sont éloquents. Les deux tiers des étudiants des grandes écoles sont issus des catégories sociales très favorisées (« Quelle démocratisation des grandes écoles depuis le milieu des années 2000 ? », Rapport n° 30, Institut des politiques publiques, janvier 2021).
A l’inverse, les étudiants issus des catégories défavorisées ne représentent que 9 % des effectifs. Ce ne sont plus des titres de noblesse, mais des diplômes que la classe dominante transmet à ses bambins, et le fossé entre les étudiants riches et pauvres s’apparente aujourd’hui à un véritable apartheid social. Le pire est sans doute que cela dure depuis longtemps.
Le revers de la méritocratie
Ainsi, dans le même rapport, on découvre que les chiffres n’ont que très peu varié depuis vingt ans. Nous vivons dans un système d’héritiers, décrit par le sociologue Pierre Bourdieu en… 1964. Aucun signe, aucune statistique ne peut accréditer une autre thèse. L’échec scolaire est déterminé à la naissance. Fort de ces constats, on pourrait se féliciter que notre président s’empare du sujet.
Mais il n’y a à mon sens aucun motif de s’en réjouir. Car Emmanuel Macron croit en la méritocratie. Pour lui, les privilèges dans la vie sont dus au talent et à l’effort. Moralement, le système méritocratique est présenté comme l’inverse de l’hérédité aristocratique, où les places sociales étaient occupées en fonction de la naissance. Il voudrait nous faire croire, comme tous ses prédécesseurs du reste, que nous sommes dans un système dans lequel les avantages sont acquis grâce au mérite, et sont donc justes.
« Rien ne m’a été donné. Ce que j’ai arraché, je l’ai conquis et je l’ai fait fructifier », expliquait ainsi François Hollande dans son discours du Bourget (« L’Obs », 22 janvier 2012). Son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, de l’autre côté de l’échiquier politique, ne disait pas autre chose : « Je suis contre l’égalitarisme, l’assistanat, le nivellement ; pour le mérite, la juste récompense des efforts de chacun, et la promotion sociale » (« Le Figaro », 31 Janvier 2007).
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