La conséquence improbable des métiers physiques

La conséquence improbable des métiers physiques

Selon des nouvelles données, l’activité physique professionnelle n’aurait pas des succès aussi francs sur la santé que celle adoptée en loisir.

« Dix mille pas et plus ». C’était à la fin des années 1940, le docteur ­Jeremy Morris découvrait grâce à un autobus à impériale ce qui allait dévoiler l’un des médicaments les plus universels − et le sujet ­obsessionnel de cette chronique : l’activité physique (AP). L’épidémiologiste britannique constatait en ­effet que les contrôleurs des bus à double étage, très mobiles, faisaient deux fois moins d’infarctus du myocarde que leurs collègues conducteurs, assis 90 % du temps. Pendant des décennies, ­Jeremy Morris a multiplié les études pour démontrer les bénéfices de l’AP, professionnelle ou de loisirs, et les conséquences délétères de la sédentarité.

En 2010, peu après la mort de ce pionnier − à 99 ans et demi −, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis des appuis mondiaux sur l’activité physique, pour tous les âges de la vie. Depuis les travaux de ­Jeremy Morris, de nombreuses publications ont confirmé et précisé les bienfaits de divers types d’AP, principalement dans le cadre des loisirs, sur le cœur et bien d’autres organes.

Mais quid des métiers physiquement actifs comme la construction, l’agriculture, la manutention, ou ­encore les soins aux personnes âgées ? Selon des données actuelles, l’activité physique professionnelle (APP) n’aurait pas des bénéfices aussi francs sur la santé que celle de loisirs. Ainsi, une revue de la littérature (23 études prospectives) montre que contrairement à l’AP récréative, qui protège de ­l’infarctus du myocarde avec un « effet dose », l’APP est associée à un risque ­accru d’accident cardiaque, d’autant plus grand qu’elle est intense (Current Opinion in Cardiology, 2013).

Une méta-analyse plus fraîche de 17 études (incluant193 000 participants) retrouve, elle, un risque de mortalité prématurée augmenté de 18 % chez les hommes exerçant une profession avec un niveau élevé d’AP, par rapport à ceux exerçant un métier moins physique. L’association n’est pas observée chez les femmes, décalrent Pieter Coenen (université d’Amsterdam, Pays-Bas) et ses collègues (British Journal of Sports Medicine, mai 2018).

Elévation prolongée de la fréquence cardiaque

Dans leur éditorial paru quelques mois plus tôt dans la même revue, ces auteurs offrent six ­hypothèses pour expliquer ce paradoxe de l’activité physique. De fait, à y regarder de près, les caractéristiques des efforts physiques fournis par des manutentionnaires ou des agriculteurs sont bien différentes de celles d’un entraînement sportif, de déplacements actifs ou de loisirs dynamiques.

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LJD

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