« La cloche, c’est la voix de Dieu » : la famille Paccard, l’art des cloches depuis 1796

« La cloche, c’est la voix de Dieu » : la famille Paccard, l’art des cloches depuis 1796

Philippe Paccard, PDG des fonderies de cloches et carillons Paccard, contrôle à l’aide d’un diapason, la note de la plus grosse cloche du monde en volée, exposée sur un quai du port de Nantes, le 23 mars 2024. Fabriquée par la Fonderie de l’Atlantique et l’entreprise Paccard, pesant 42 tonnes avec le joug et le battant, et mesurant 4 mètres de diamètre, cette cloche était destinée à commémorer l’an 2000 à Newport (Kentucky), aux Etats-Unis.

Quelques cygnes majestueux volent au-dessus du lac d’Annecy, avec, en toile de fond, les cimes du parc naturel régional du massif des Bauges. A quelques kilomètres seulement des Alpes françaises, les salariés de la fonderie de cloches Paccard, dans le village de Sevrier (Haute-Savoie), s’activent depuis l’aube. Là, plusieurs ouvriers s’attellent, dans une cadence qu’ils connaissent par cœur, à couler du bronze en fusion, un alliage de cuivre et d’étain, qui servira ensuite à remplir le moule des futures cloches.

Des flammes s’échappent du four, dans une chaleur étouffante. Tous portent une combinaison en coton tissé d’aluminium pour se protéger en cas d’éclaboussures. Perché à plusieurs mètres sur un escabeau, David Ughetto, 50 ans, verse minutieusement le métal en fusion à 1 200 degrés. Ce maître fondeur qui a trente ans de métier préside à toutes les étapes de la fabrication.

Deux tatouages sur son bras gauche représentent une cloche et la cathédrale de Rouen, dont il a participé à la restauration du carillon, en 2014. « J’ai mon job gravé dans ma peau », plaisante-t-il fièrement, louant le « côté mystérieux du métal qui pétille lors de la coulée ».

Le bourdonnement des machines ne cesse jamais. Le bronze en fusion est coulé dans des moules de cloches de différentes tailles : telles des poupées gigognes, elles sont alignées sur d’immenses étagères en acier, où elles attendent plusieurs heures avant d’être démoulées.

Les décorations sont ensuite faites à l’aide de cire, représentant des puissances célestes, des saints ou des paysages montagnards. Ces cloches peuvent peser jusqu’à plusieurs dizaines de tonnes – la World Peace Bell, la plus grosse cloche en volée au monde, coulée par la fonderie Paccard pour la Millennium Monument Company à Newport, dans le Kentucky (Etats-Unis), pèse ainsi plus de 33 tonnes (42 tonnes, en comptant le joug et le battant).

Une saga familiale (et royaliste)

Depuis sept générations, la famille Paccard confectionne les plus anciennes cloches de France, avec un savoir-faire unique. Le début de cette saga familiale remonte à 1796. En pleine période révolutionnaire, tandis que des cloches sont réquisitionnées et refondues par les républicains pour fabriquer des armes, la famille Paccard d’alors, royaliste et antirévolutionnaire, voit dans la fabrique de cloches une forme de résistance.

Près d’un siècle plus tard, en 1891, la famille se distingue avec la fabrique de la plus grosse cloche de France, la Savoyarde, classée au titre des monuments historiques, qui trône toujours au milieu de la basilique du Sacré-Cœur, à Paris. En bronze, elle pèse plus de 19 tonnes, pour 3 mètres de diamètre et 9 mètres de circonférence. A l’époque, c’est à l’initiative de l’archevêque de Chambéry, Mgr Leuillieux [1823-1893], qu’elle fut coulée, à destination du monument parisien.

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LJD

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