Julie Landour, sociologue : « Le télétravail des hommes ne remet pas en cause l’organisation des tâches domestiques et parentales »

Julie Landour, sociologue : « Le télétravail des hommes ne remet pas en cause l’organisation des tâches domestiques et parentales »

Le télétravail modifie-t-il le partage des tâches au sein du couple ? Les pères qui travaillent à domicile assument-ils plus de tâches domestiques et parentales que ceux qui exercent leur emploi à l’extérieur ? Pour le savoir, Julie Landour, maîtresse de conférences en sociologie à l’université PSL Paris-Dauphine et chercheuse au sein de l’Institut de recherches interdisciplinaires en sciences sociales, a mené en 2020, avec sept autres chercheurs, une enquête qualitative en France, en Suède et en Suisse financée par l’Agence nationale pour la recherche.

Au terme de cette investigation publiée par la Fondation pour les sciences sociales, la sociologue observe d’importants contrastes entre les trois pays. « La transformation des seules conditions de travail, et notamment sa localisation au sein des foyers, n’est pas suffisante pour agir sur la division sexuée du travail », analyse-t-elle.

Vous estimez que le partage des tâches domestiques et parentales est au cœur de l’égalité femmes-hommes. Pourquoi ?

La question de la répartition des tâches est l’une des clés de l’égalité entre les sexes. Pour qu’un homme ou une femme consacre du temps et de l’énergie à son activité professionnelle, il faut qu’il arrive, dans le même temps, à « produire » du quotidien : préparer à manger, nettoyer le linge, faire le ménage, s’occuper des enfants. Or, ce travail repose très largement sur les femmes, qui passent deux fois plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants ou d’un adulte à charge à la maison. Elles ne peuvent donc pas s’investir dans la sphère professionnelle ou dans la sphère publique autant que leurs conjoints.

Tant que l’équation du partage des tâches ne sera pas résolue, les femmes auront du mal à s’engager pleinement dans leur carrière, en politique et dans des activités créatives ou récréatives. Leur taux d’activité est élevé – 67 % des Françaises de 15 à 64 ans exercent une activité professionnelle –, mais les inégalités domestiques, qui s’installent dès la mise en couple, explosent avec l’arrivée du premier, du deuxième et surtout du troisième enfant : près de 40 % des femmes en emploi connaissent une modification de leur activité professionnelle après une première naissance, près de 60 % au troisième enfant. Nombre d’entre elles, particulièrement les moins favorisées, sont contraintes de renoncer à leur activité professionnelle et ont ensuite du mal à se réarrimer à l’emploi.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la question du télétravail ?

Avant la crise sanitaire de 2020, j’avais consacré une enquête aux femmes qui créent des entreprises, les « mompreneurs ». La plupart d’entre elles exercent leur activité professionnelle à la maison, dans des espaces plus ou moins aménagés, parce qu’elles souhaitent à la fois s’investir dans leur travail et être présentes auprès de leurs enfants. Elles sont cependant très vite absorbées, voire noyées, dans le travail parental et domestique : leurs conjoints ont tendance à s’en exonérer au motif que leurs femmes passent leurs journées à la maison.

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LJD

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