Jeune diplômé, tu proposes ton savoir-faire tes compétences, et personne n’en veut !

Jeune diplômé, tu proposes ton savoir-faire tes compétences, et personne n’en veut !

Plus que jamais en France, le diplôme est considéré comme un atout essentiel pour l’insertion professionnelle. Seuls 11 % de ceux qui en possèdent un pointent au chômage cinq ans après leur entrée sur le marché du travail, alors que 40 % des jeunes non diplômés sont sans emploi. Ces 11 % représentent néanmoins un chiffre très élevé : «Ce sont des centaines de milliers de jeunes qui, au sortir de longues études qui ont nécessité des sacrifices importants, peinent à trouver un poste en adéquation avec leur diplôme», relève Camille Peugny, sociologue à Paris-VIII. «Un diplômé de l’enseignement supérieur sur quatre ou cinq peut être considéré comme déclassé sur son premier emploi.» Précarité, temps partiels, faibles revenus, boulots alimentaires, chômage à répétition ou emploi sans rapport avec les compétences sont le lot de nombre de diplômés du supérieur.

«La durée du « bizutage social » s’est allongée : après un master, il est courant de cumuler quatre à cinq ans de stage et de CDD. L’âge moyen du premier CDI est passé à 29 ans», souligne Camille Peugny. En témoignent ces Grenoblois âgés de 25 à 40 ans et diplômés de bac + 5 à bac + 8 en situation délicate. Tous dénoncent un gâchis humain et portent un regard désabusé, parfois révolté, sur une société qui ne leur donne pas la place qu’ils espéraient et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.

Claire, 40 ans tout juste, est docteure en biologie cellulaire et moléculaire depuis 2005, et au chômage depuis un an. Jamais elle n’a pu accéder à un CDI. Elle a multiplié pendant dix ans les contrats précaires à l’institut des neurosciences de Grenoble, dans le privé près de Genève, dans un labo du Commissariat à l’énergie atomique, entrecoupés de périodes de chômage… Jusqu’à arriver à la limite légale de son employabilité en CDD dans le public. «Les labos publics où je suis passée me sollicitent, mais je n’ai plus le droit d’y accéder, explique-t-elle. C’est très frustrant : j’adorais ce que je faisais, j’étais appréciée et je dois faire une croix sur mon métier où il y a des manques et où mes compétences seraient utiles ? C’est du gâchis.» Elle continue à chercher dans le privé, a décroché quelques entretiens. On lui a proposé un poste, mais il était basé à l’étranger : inacceptable pour cette mère de trois jeunes enfants dont le mari, peintre en bâtiment, est salarié à Grenoble. «Je n’ai pas voulu sacrifier ma vie de famille», tranche-t-elle. Elle vit en partie sur son allocation chômage, en assurant des cours particuliers et des vacations à la fac, «pour rester active et à l’affût». Il lui a fallu prendre un statut d’auto-entrepreneur pour pouvoir être payée par l’université… «Dans un an, je n’aurai plus de chômage. Dois-je repartir à zéro ? Faire instit ? Souci, je n’ai plus droit à une formation pour me reconvertir… Et puis ça me fait mal de recommencer au bas de l’échelle salariale et de renoncer à mon métier passion !» Du futur président, elle n’ose attendre la création de postes dans la recherche publique, mais au moins qu’il élargisse le recours aux CDD, qu’il impulse une mobilité des fonctionnaires. Seul espoir pour elle de retrouver le chemin des labos.

Emma a 25 ans, elle a décroché en 2014 un master de stratégie territoriale et urbaine à Sciences-Po Paris. Elle vit chez ses parents et touchera ce mois d’avril sa dernière allocation chômage avant de basculer au RSA. Emma se prépare à chercher un petit boulot alimentaire. Tout avait pourtant bien commencé après son master, avec un CDD dans un cabinet de conseil en région parisienne, où elle réalise les études stratégiques des politiques de l’habitat pour des collectivités. Elle se sent vite mal à l’aise : beaucoup de responsabilités, un salaire moyen, une position de prestataire pour des élus dont elle doit suivre les orientations politiques, une ambiance délétère au sein du cabinet. A la mi-2015, après dix mois, elle quitte cet emploi, désireuse de mettre ses compétences au service d’une «autre manière de penser la gestion du territoire, axée sur la transition écologique». Depuis, elle n’a pas retrouvé de poste. Elle a fait les vendanges, du woofing (travail dans une ferme bio), un service civique au Maroc et a répondu à une multitude d’offres d’emploi… sans succès. Elle ne se plaint pas : «J’assume mon refus d’un parcours classique et d’une carrière menée au détriment de mes convictions et des urgences écologiques et sociales.» Mais elle avoue une certaine anxiété. Avec deux anciens de son master, elle a monté une association qui propose aux collectivités un accompagnement sur une transition écologique mêlant énergie, transports, habitat, participation, cohésion sociale : «Certaines sont très intéressées mais sont-elles prêtes à nous payer ?» Elle attend des candidats à la présidentielle «une prise en compte des enjeux écologiques, un changement de régime politique, une place renforcée pour les citoyens et l’écologie en lieu et place du système capitaliste». Elle se sent plus proche de Mélenchon que de Hamon, se décrivant «en rupture, contestataire».

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LJD

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