« Je suis devenue obsolète » : ces seniors contraints de se muer en indépendants

Aude, 47 ans, cumule une maîtrise, trois masters, un doctorat et vingt ans de métier dans l’édition et la traduction. Pourtant, elle est au chômage depuis trois ans, confrontée au « silence » des entreprises. Ayant réalisé la majorité de sa carrière au Canada, c’est en rentrant en France, en 2019, qu’elle entame une « traversée du désert » : 150 candidatures, 20 réponses automatiques, aucun entretien. « On m’a dit que j’étais surqualifiée », lâche la Bretonne, qui n’a pas souhaité donner son nom. Elle a supprimé son compte LinkedIn pour éviter que « le monde entier voie qu’[elle est] au chômage ». « La seule réponse que j’ai eue, c’est pour être professeure d’anglais, raconte-t-elle. J’ai l’impression d’avoir raté ma vie professionnelle. »
Pour Virginie Rescourio, 48 ans, le choc a été rude aussi. « Je suis devenue obsolète », explique d’emblée cette ancienne directrice marketing chez Dyson – pendant dix-neuf ans –, licenciée en 2020. Il y a trois ans, après un bref contrat dans une société de panneaux solaires, elle décide de se former au numérique pendant quinze mois pour multiplier ses chances d’embauche. Sans succès. « On ne s’entendait pas financièrement, raconte-t-elle. Avec mon expérience, j’espérais un salaire de 100 000 euros par an et, pour une PME, ce n’était pas possible. »
« Un gros coup de jeune »
Les exemples tels que ceux d’Aude et de Virginie sont légion. Car, en France, dans le monde du travail, les plus de 45 ans sont considérés comme des « seniors ». Un qualificatif qui, pour les entreprises, n’est pas synonyme d’expérience, mais « vu comme un poids », explique Adnan Maâlaoui, professeur au Prince Mohammed Bin Salman College of Business and Entrepreneurship (Arabie saoudite) et auteur de plusieurs études sur l’entrepreneuriat des seniors en France : « Pour les sociétés qui ont comme perspective l’allègement de leur masse salariale, les seniors sont coûteux. » A ce jour, la probabilité d’embauche des personnes de plus de 50 ans est deux fois inférieure à celle des 30-49 ans, et un tiers seulement des demandeurs d’emploi de cette catégorie retrouvent un poste, selon le baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail publié en décembre 2024.
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