« J’ai fini par quitter le monde des start-up, lassé par l’hypocrisie de cette fausse grande famille »

« J’ai fini par quitter le monde des start-up, lassé par l’hypocrisie de cette fausse grande famille »

La première fois que j’ai eu une désillusion professionnelle dans la « start-up nation française », j’avais 25 ans. Je venais de quitter une petite start-up, parce que je trouvais que les responsabilités étaient trop élevées pour moi. C’était mon premier travail en tant que développeur Web, obtenu à l’issue d’un stage de fin d’études. Le matin, je démarrais mon ordinateur avec la boule au ventre à cause de la charge de travail. La culture du présentéisme était de mise. On n’était jamais à l’abri du célèbre « t’as pris ton aprèm » alors qu’il était déjà 18 heures. C’est là que j’ai perçu pour la première fois l’hypocrisie d’« on est une famille, mais en vrai on est une entreprise ».

Avant même d’avoir trouvé un autre boulot, j’ai donc démissionné de cette start-up. Rapidement, j’ai rejoint une « scale-up » [une entreprise qui compte au moins dix employés, une moyenne de 20 % de rendement annuel pendant au moins trois ans et qui a levé plus d’un million de dollars], alors en pleine phase d’hypercroissance. Aujourd’hui, c’est l’une des dix plus grandes de France.

Quand j’ai commencé, on était 150. En moins de deux ans, il y avait 500 personnes. Ça donnait le tournis. A la fin, je ne connaissais même plus la moitié des salariés. Chaque semaine, les gens arrivaient par vagues, à tel point qu’on ne se souvenait pas de tous les prénoms de ceux qui nous avaient rejoints la semaine d’avant. Malgré le baby-foot, la salle de sport et les autres lieux de socialisation, le contact avec les autres est devenu plus indirect.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Militaire, « je n’imaginais pas développer un syndrome de stress post-traumatique »

Quand on débarque dans une start-up, on est rapidement mis dans une ambiance familiale. Pour ma part, je le vois plus comme un moyen pour nous faire bosser en faisant appel à notre serviabilité ou à notre loyauté, comme on rendrait un service à un ami. Sauf qu’en amitié la productivité n’a pas sa place.

« Je ne comprenais pas pourquoi nous travaillions aussi tard alors que ce n’était pas forcément urgent, ni nécessaire »

Dans notre équipe, avec le turnover croissant, la charge de travail est venue peser de plus en plus sur mes épaules. Je me suis retrouvé seul à gérer les sujets sur lesquels on m’avait formé. Personne n’était là pour m’aiguiller correctement. Quand il y avait des recrutements, j’étais souvent consulté au préalable pour donner mon avis et j’aidais à faire passer les entretiens. Une fois la nouvelle recrue embauchée dans l’équipe, je l’accompagnais dans sa formation. C’était très valorisant, même si ça me demandait beaucoup de temps. Assez rapidement, mon salaire a été réévalué, et ce plusieurs fois pendant mon expérience chez eux. J’ai trouvé ça plutôt juste.

Il vous reste 56.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.