« Idées reçues sur le travail » : des stéréotypes à l’épreuve des faits

« Idées reçues sur le travail » : des stéréotypes à l’épreuve des faits

Le livre. Une souffrance, le travail ? C’est ce que suggère l’étymologie qui lui est régulièrement accolée. Le mot « travail » proviendrait du latin tripalium, qui fait référence à un instrument de torture à trois pieds. De quoi appuyer de manière percutante tous les discours critiques à son endroit. Sauf que… « cette hypothèse apparue au XXe siècle est très probablement fantaisiste », affirme le linguiste Franck Lebas. Il aurait plus sûrement pour origine le mot latin trabs, qui signifie « poutre » et qui a donné « travée » et « entraver ». « L’idée d’une contrainte est bien là, mais nous sommes loin de l’idée de torture », note M. Lebas.

Le linguiste s’est lancé, avec de nombreux chercheurs (économistes, historiens, psychologues…), dans une traque minutieuse des lieux communs qui touchent le monde du travail. Ceux qui assurent que « le salariat, c’est du passé », que « les étrangers prennent le travail des Français » ou que « le management est devenu horizontal » et « qu’il n’y a plus de chef ».

En est ressorti un ouvrage, Idées reçues sur le travail. Emploi, activité, organisation, réalisé sous la direction de Marie-Anne Dujarier, professeure de sociologie à l’université Paris Cité, au fil duquel les auteurs déconstruisent les stéréotypes un à un.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le monde du travail à l’heure des grandes solitudes

L’essai se veut d’abord un exercice méthodique de confrontation des idées reçues aux chiffres et aux faits. « On ne trouve plus à recruter » parce que les chômeurs seraient de mauvaise volonté ? « Cette perspective culpabilisatrice ne tient (…) pas face aux données dont on dispose sur le marché de l’emploi français », écrit le sociologue Hadrien Clouet, soulignant qu’« on recrute (…) plus et plus vite que jamais ».

Hauteur face aux stéréotypes

Même volonté de mise à l’épreuve des faits pour l’économiste Michaël Zemmour. En France, le travail coûterait trop cher. Face à cette affirmation, le chercheur met en évidence la « part socialisée » du salaire net dans l’Hexagone (la CSG et les cotisations sociales). Puis il montre que dans d’autres pays, comme la Suisse ou les Etats-Unis, où la situation diffère, « les employeurs et les salariés souscrivent conjointement des contrats d’assurance privée (…) qui sont nettement plus coûteux que la Sécurité sociale française ». Il souligne, dans le même temps, qu’en France « les salaires nets sont relativement modérés ».

Tout en revenant à la réalité des faits, les auteurs mettent à mal des lectures souvent libérales, parfois portées par le patronat, du marché du travail et du monde de l’entreprise. Des lectures qui assurent qu’il y aurait trop de fonctionnaires en France. Que la concurrence au travail serait naturelle et bénéficierait à tous. Qu’être son propre patron permettrait d’être libre. Une assertion dont s’empare la sociologue Sarah Abdelnour pour souligner combien la situation des indépendants apparaît ambivalente et peut, au contraire, conduire à une « auto-exploitation ».

Il vous reste 17.79% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.