Fraude au travail détaché : Terra Fecundis et sept agriculteurs français condamnés
Pour la deuxième fois en moins d’un an, la justice pénale vient de sanctionner l’entreprise d’intérim espagnole Terra Fecundis – récemment renommée Work for All – dans une affaire de fraude au travail détaché. Vendredi 1er avril, le tribunal correctionnel de Nîmes lui a infligé une amende de 375 000 euros pour « travail dissimulé » et « emploi d’étrangers sans titre ». Cette société est, de surcroît, frappée d’une interdiction d’exercer son activité sur le sol français. En juillet 2021, elle avait déjà été condamnée pour des infractions similaires par le tribunal judiciaire de Marseille.
Cette fois-ci, Terra Fecundis-Work for All n’est pas la seule à être poursuivie. Le jugement prononcé vendredi concerne également sept agriculteurs français, qui avaient recouru aux services du prestataire espagnol tout en ayant été alertés par les services de l’Etat qu’ils étaient dans l’illégalité. Ils se sont vu infliger des amendes de 10 000 euros – assorties d’un sursis dont le montant varie selon les cas. Mis en cause pour avoir hébergé des salariés dans des « conditions indignes », l’un d’eux a, en outre, été condamné à six mois de prison avec sursis.
La procédure porte sur des faits qui ont été signalés entre 2017 et 2019 au parquet de Nîmes par l’inspection du travail et par la police aux frontières. Terra Fecundis avait mis à la disposition de maraîchers gardois des ouvriers pour la cueillette de fruits et de légumes. Une main-d’œuvre dont les droits furent foulés aux pieds : rémunérations inférieures au taux horaire du smic, congés passés à la trappe, bulletins de paye introuvables, etc.
« Enquête de longue haleine »
De telles pratiques ont eu cours en dévoyant le régime dit du détachement. Celui-ci permet à un employeur d’envoyer du personnel à l’étranger, tout en s’acquittant des cotisations sociales dans l’Etat où il est installé. A une condition : les salariés « exportés » ne doivent effectuer que des missions relativement brèves dans le pays d’accueil. Une obligation que Terra Fecundis s’est dispensée de suivre, en laissant travailler ses intérimaires pendant des mois en France, sans les inscrire à l’Urssaf, tout en payant ses contributions en Espagne, où elles sont moins lourdes.
Le jugement rendu vendredi reconnaît « la détermination de nos services à poursuivre une enquête de longue haleine qui a permis de réunir les preuves de l’illégalité de l’activité de Terra Fecundis en France », confie Paul Ramackers, le responsable de l’inspection du travail du Gard qui a joué un rôle-clé dans ce dossier. « C’est évidemment une nouvelle décision très satisfaisante puisqu’elle “enfonce le clou” du jugement de Marseille, de juillet 2021 », renchérit Me Vincent Schneegans, l’avocat de la CFDT, l’un des syndicats qui s’étaient constitués parties civiles, avec la CFTC, la CGT et FO.