France Télécom, instants d’audience

France Télécom, instants d’audience

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Sept anciens membres de la direction de l’entreprise publique comparaissent depuis le 6 mai devant le tribunal correctionnel de Paris pour « harcèlement moral » ou complicité de ce délit. Les plaidoiries commencent mardi 2 juillet ; le réquisitoire est attendu vendredi.

« Juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre, et vouloir décider », avait dit la présidente, Cécile Louis-Loyant, à l’ouverture du procès France Télécom, lundi 6 mai. Deux mois se sont écoulés, l’audience entre dans sa dernière phase. Après les plaidoiries des parties civiles, les deux procureures prononceront leur réquisitoire vendredi 5 juillet. La défense des prévenus s’exprimera ensuite jusqu’au 11 juillet.

Trois d’entre eux – l’ancien président Didier Lombard, son ex-numéro deux Louis-Pierre Wenès et le directeur groupe des ressources humaines Olivier Barberot – ainsi que l’entreprise France Télécom sont poursuivis pour « harcèlement moral ». Quatre autres prévenus répondent de complicité de ce délit.

Les débats ont été denses, parfois tendus. Les situations de chacune des trente-neuf personnes retenues comme victimes par l’instruction – dont dix-neuf se sont suicidées – ont été examinées. Leurs familles, leurs collègues de travail ont témoigné. Des experts de la souffrance au travail ont déposé. La mutation de l’entreprise, passée en quelques années du statut de service public en situation de monopole à celui de société cotée en Bourse, ouverte à la concurrence et confrontée à une révolution technologique, a été radiographiée.

Morceaux choisis de cette plongée dans l’histoire d’un monument national.

  • Feuille de route

En ce lundi 6 mai, la présidente, Cécile Louis-Loyant, ouvre son rapport de l’affaire France Télécom. De part et d’autre des bancs, on la scrute, on la jauge. Un procès est d’abord un enjeu de pouvoir. Cécile Louis-Loyant le sait d’expérience, elle a été juge assesseure au procès de l’ « Angolagate », un gigantesque dossier de vente d’armes et de corruption, et à celui de l’affaire Clearstream, qui opposait le prévenu et ancien premier ministre Dominique de Villepin à la partie civile, Nicolas Sarkozy, président de la République.

Elle mesure aussi qu’une part de son autorité se joue là, maintenant, dans cet instant qui va donner un ton, un climat à l’audience. Elle emprunte ses premiers mots à un grand magistrat, Pierre Drai, ceux-là mêmes qui courent à l’entrée du nouveau tribunal de Paris, aux Batignolles : « Juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre et vouloir décider. »

« Ces mots ont aujourd’hui une puissance exceptionnelle, poursuit-elle. L’attente de parler et de comprendre est forte, elle dure depuis dix ans, elle est douloureuse. Les voix de certaines victimes se sont éteintes. Le tribunal veut comprendre le fonctionnement d’une entreprise, qui comprenait plus de 100 000 salariés, répartis sur 23 000 sites, et comptait des centaines de métiers. Pourquoi des salariés ont porté plainte contre leur employeur. Pourquoi certains se sont suicidés en laissant des mots accusateurs. L’attente est forte car elle est aussi porteuse d’avenir. Les audiences vont peut-être raviver la douleur des proches, des victimes. L’émotion sera présente, sourde ou violente. Mais déposer devant un tribunal implique de la contenir. Le temps peut cicatriser les plaies. Il permet aussi une réécriture involontaire ou volontaire des événements. Le tribunal le sait et en tiendra compte. »

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LJD

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