« Flexoffice », « coworking », bonheur au travail : « Il ne faut pas prendre les salariés pour des idiots utiles »

« Flexoffice », « coworking », bonheur au travail : « Il ne faut pas prendre les salariés pour des idiots utiles »

La justification des nouveaux aménagements de bureau par la flexibilité et les technologies cache mal des objectifs strictement financiers, dénoncent dans une tribune au « Monde » les experts de communication d’entreprise Jean-Marie Charpentier et Thierry Libaert.

Publié aujourd’hui à 07h00 Temps de Lecture 4 min.

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« Le déferlement de la psychologie positive s’est traduit par une sur-individualisation et un traitement périphérique des problèmes à coup de massages, de conciergeries, d’espaces de jeu. »
« Le déferlement de la psychologie positive s’est traduit par une sur-individualisation et un traitement périphérique des problèmes à coup de massages, de conciergeries, d’espaces de jeu. » Isabelle Rozenbaum/PhotoAlto / Photononstop

Tribune. Flexoffice, bonheur au travail, nudge management figurent en bonne place dans le florilège des « tendances » dans de nombreuses entreprises. Soutenir le coworking, réenchanter l’environnement de travail, susciter l’engagement des salariés, voilà l’affiche. Elle est tellement belle qu’on s’en voudrait presque de casser l’ambiance en émettant le moindre doute. Et pourtant…

Au début des années 2000, il était question d’« ingénierie concourante » sur les plateaux des tours de la Défense. Ensuite, il s’est agi de moderniser le management… en changeant l’aménagement. L’espace du travail devait évoluer avec l’irruption des « nouvelles technologies » et l’essor des activités de services. Mais les salariés ont compris depuis des années que les open spaces répondaient d’abord à une logique financière : en réalité, on a gagné des mètres carrés.

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On continue avec le flexoffice (poste de travail flexible). Selon les aménageurs, avoir un bureau à soi coûte trop cher. Alors, place au desk share (partage de bureau) ou au coworking (bureau délocalisé). Plutôt que d’innover pour créer de la valeur, on réduit encore les espaces, quitte à favoriser le télétravail, les télécentres, les « tiers lieux ». Cela faisait sens à l’origine dans les grands cabinets de conseil dont les collaborateurs passant leur temps chez les clients. Mais aujourd’hui, le phénomène gagne presque toutes les organisations. Vive le caisson et la lutte des places…

La communication est la victime de l’organisation spatiale

A la clé, de redoutables questions de localisation, d’organisation et de management, sans parler de la qualité du travail ou de la santé des salariés. Il est ainsi demandé à la communication interne des entreprises de promouvoir ces espaces « ouverts », « mobiles » et… « communiquants ». En fait, il est de plus en plus difficile de tenir ce type de discours qui apparaît comme un « faux ami » quand ce que vivent les salariés – déstabilisation, perte de repères, éclatement des équipes… – est à cent lieues de ces éléments de langage.

Et ce ne sont pas les rares espaces « ré-créatifs » qui changent quelque chose. Le communicant a beaucoup à perdre à se faire le porte-voix des aménageurs et des financiers quand la communication est la première victime de la nouvelle organisation spatiale. La déception tient au décalage entre une sur-promesse de meilleure circulation de l’information et la réalité du constat des équipes.

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LJD

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