Femmes au travail : le genre « invisible »
Carnet de bureau. La discrimination se porte bien. Selon une enquête IFOP réalisée pour L’Autre Cercle (association contre les discriminations faites aux LGBT+ en entreprise) sur « la visibilité et l’inclusion des lesbiennes au travail en France », et publiée mardi 10 mai, ces salariées sont peu visibles en entreprise. Entre le 9 novembre 2021 et le 25 janvier 2022, l’institut de sondage a interrogé 1 402 femmes lesbiennes ou bisexuelles, de 18 ans ou plus, en activité professionnelle. Un tiers (33 %) d’entre elles seulement sont « visibles » en tant que telles par leurs supérieurs hiérarchiques, et 40 % par leurs collègues de même niveau hiérarchique.
Un constat qui serait anodin s’il était sans conséquences sur le travail, la santé et la carrière des salariées en question. Mais ce n’est pas le cas. « Ces salariées subissent les mêmes conséquences que toute victime de harcèlement : isolement, perte d’engagement, d’investissement. Au cours des trois dernières années, 26 % disent avoir eu des pensées suicidaires, et 21 % en sont venues à quitter leur entreprise. Par ailleurs, elles sont victimes d’inégalités pour tous les droits liés à leur foyer : leur conjointe, leurs enfants. Tant qu’elles ne se sont pas dévoilées, elles ne peuvent pas en profiter », explique Catherine Tripon, porte-parole nationale de L’Autre Cercle et coresponsable du projet Voilat (Visibilité ou invisibilité des lesbiennes au travail).
En complément de l’enquête IFOP, 88 entretiens qualitatifs ont été réalisés par L’Autre Cercle pour comprendre les raisons de cette invisibilité. Est-elle volontaire ? Subie ? Systémique ? Un début de réponse réside dans la mesure de leur discrimination : 53 % des femmes interrogées déclarent avoir subi au moins une discrimination ou une agression au travail, et 31 % ont subi l’une et l’autre. Une majorité d’entre elles ont fait l’expérience d’une « lesbophobie d’ambiance » : elles ont été témoins ou cibles directes de propos particulièrement désobligeants, « peu propices à une visibilité sereine », précise l’enquête.
Peur des représailles
Le silence est souvent le premier réflexe des victimes de discriminations en tout genre. Selon le 13e baromètre annuel sur la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé conjointement par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), « parmi les personnes qui n’ont rien dit au moment des faits [de discriminations] (23,5 %), 68 % évoquent la peur des représailles de la part des auteurs, 60 % indiquent qu’elles ne savaient pas quoi faire, et 56 % pensent que cela n’aurait rien changé ».
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