En Russie, le coronavirus place le secteur privé au bord du gouffre
Une tempête attend-elle l’économie russe ? Avant même l’arrivée du pic épidémique dans le pays, les mesures de confinement prises pour enrayer la diffusion du Covid-19 font peser de lourdes incertitudes sur la survie de nombreuses entreprises. En termes macroéconomiques, le tableau, sombre, est néanmoins encore difficile à dresser. Les économistes évoquent une récession à deux chiffres pour 2020. A la mise en pause de pans entiers de l’économie au printemps s’ajoutent les effets d’une impitoyable guerre des tarifs dans le secteur pétrolier, qui a fait plonger les prix du baril à des niveaux inédits depuis plus de vingt ans.
La situation des finances russes, avec une dette faible et d’importantes réserves, permet de voir venir, mais, dans le secteur privé, c’est l’urgence qui domine. Lorsqu’il a annoncé, début avril, la prolongation de la période « chômée » jusqu’à la fin du mois, Vladimir Poutine a réaffirmé que les salaires seraient maintenus.
Pendant que les autorités demandent aux chefs d’entreprise de remplir leur « rôle social », selon le mot du maire de Moscou, Sergueï Sobianine, ou menacent de contrôles et autres désagréments ceux qui ne s’y résoudraient pas, les rapports alarmistes se multiplient. Les prévisions de la Chambre de commerce et d’industrie estiment que 3 millions d’entreprises sont menacées par la faillite, et le nombre de chômeurs pourrait augmenter de 10 millions à 15 millions, selon les calculs et selon l’ampleur des mesures de soutien qui seront annoncées par les autorités.
Certaines entreprises se disent au bord de la faillite
Un sondage mené dès la fin mars auprès de chefs d’entreprise par le Centre de recherches stratégiques indique que 29 % d’entre eux ont déjà mis une partie de leurs salariés en congés sans solde et que 22 % s’apprêtent à faire de même ; 28 % se disent au bord de la faillite, quand bien même la part relativement basse des services dans l’économie russe permet de limiter les dégâts.
« Pour avril, je n’ai pas assez de trésorerie, et j’ai prévu de verser seulement 10 000 roubles [120 euros] à chacun sur mes économies personnelles », témoigne Denis Roud, le chef d’une entreprise de lavage de voitures
« Dès le mois de mars, l’activité a commencé à diminuer, mais j’ai continué à payer mes quatre employés, témoigne Denis Roud, le chef d’une entreprise de lavage de voitures à Blagovechtchensk, dans la région orientale de l’Amour. Mais, pour avril, je n’ai pas assez de trésorerie, et j’ai prévu de verser seulement 10 000 roubles [120 euros] à chacun sur mes économies personnelles. C’est quatre fois moins que d’ordinaire et légalement pas très carré, mais je n’ai pas le choix. Et encore, j’ai la chance que mon propriétaire ait accepté de reporter le paiement du loyer. »