Ebranlé par la crise sanitaire, PGM Couesnon, fabricant de cuivres presque centenaire, a encore du souffle
FactuelBien que chahuté par plusieurs décennies de mondialisation, le fabricant de trompettes a pu éviter de licencier. Aux manettes de l’entreprise créée en 1827, trois femmes − la grand-mère, sa fille et sa petite-fille − résolues à orchestrer la reprise.
Peut-être le défilé annuel de la fanfare de votre village a-t-il été annulé cet été, comme celui d’avant ? Ou était-ce le carnaval qui anime la ville chaque année ? Ou la bravade ? « Eh bien derrière, c’est plein de métiers qui en ont aussi pâti », glisse Sophie Glace, la cogérante, 49 ans, dans le vaste bureau de l’entreprise PGM Couesnon, à une encablure de la gare de Château-Thierry (Aisne).
Au-dessus de sa tête, suspendue au mur comme un trophée, une trompe de chasse dorée, de la longueur de la pièce ou presque. « 4,54 mètres et demi ! La taille nécessaire pour obtenir un ré majeur », précise-t-elle. Depuis 1827, Couesnon fabrique des cuivres et des percussions. Dans le vaste atelier attenant, les feuilles de laiton se font trompette, tuba, clairon. Pour jouer en mi ou en si bémol, on martèle, on recuit, on repousse, on polit.
Ils ne sont plus que deux fabricants en France, une trentaine dans le monde. Et les temps sont durs. « Avec la crise sanitaire, les annulations et jauges réduites, nous avons perdu deux années de suite l’équivalent de ce que sont Noël et Pâques pour les chocolatiers : la Fête de la musique, les festivals d’été, les défilés du 14-Juillet… », poursuit Sophie Glace. Le chiffre d’affaires s’est effondré de près de 50 %. « Pour les instruments à vent, qui projettent [des particules], on attend toujours cette reprise dont tout le monde parle à la télé… C’est long », se désole-t-elle. « Moi j’y crois, ça va repartir », l’interrompt, sur un ton presque tranquille, sa mère, Ginette Planson, toujours PDG de l’entreprise à 79 ans. Ici, cela fait longtemps qu’on affronte les tempêtes en famille.
Elles évoquent ensemble le passé glorieux de Couesnon, qui, il y a un siècle, a compté jusqu’à 1 000 employés sur six sites en France, dont 600 à Château-Thierry. « Un jour, j’avais emmené mes petits-enfants en voyage aux Etats-Unis. On descend dans une boîte de jazz à San Francisco, et là, le hasard : toutes les affiches au mur, c’était des affiches Couesnon ! », raconte Ginette avec fierté. Sidney Bechet, Bill Coleman et d’autres grands noms du jazz ont porté, dans les années 1950, la renommée de l’entreprise. « On était leader du marché ! »
Concurrence des instruments produits en Chine
Ginette Planson a commencé à travailler là en 1960. Elle avait 18 ans ; son mari y avait été embauché quelques années plus tôt. « A “Château”, les gens travaillaient soit chez Belin [les biscuits], soit chez Couesnon. » En 1979, première secousse : un incendie ravage l’atelier. Sur les 165 employés, seuls 20 sont repris. Ginette Planson est licenciée. Alors qu’elle repasse à l’entreprise, elle découvre dans la cour les machines qui partent à la ferraille. « Ça m’a pris comme ça, sur un coup de tête, j’ai dit : “Je vous les rachète au prix de la ferraille !” », raconte-t-elle, encore amusée par son audace. Le soir même, les machines sont installées au sous-sol de sa maison.
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