Dominique Méda : « L’exécutif a une conception obsolète des politiques d’emploi »

Dominique Méda : « L’exécutif a une conception obsolète des politiques d’emploi »

Conformément aux annonces du candidat Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle en 2022, les trois réformes sociales à l’agenda du second quinquennat (assurance-chômage, RSA et retraites) sont lancées. La première entrera sans doute en vigueur fin 2022, la seconde fera l’objet d’une expérimentation dès janvier 2023, la troisième est en phase de concertation. Mais, alors qu’elles sont censées moderniser et dynamiser l’emploi et le marché du travail, on peut légitimement se demander si ces mesures, en particulier les deux premières, ne relèvent pas d’une conception obsolète des politiques d’emploi.

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Les réformes de l’assurance-chômage et du RSA sont toutes deux guidées par l’idée que les allocataires sont, sinon des fraudeurs – les sources administratives montrent qu’il s’agit d’un phénomène très minoritaire –, du moins des calculateurs qu’il faudrait « inciter » à prendre des emplois en réduisant le montant et/ou la durée de leurs allocations ou en exigeant d’eux des contreparties. Ce raisonnement est peu convaincant. De nombreux bénéficiaires potentiels ne réclament pas les prestations auxquelles ils sont éligibles, le nombre des chômeurs indemnisés est en forte diminution, les emplois vacants sont trop peu nombreux pour satisfaire toutes les demandes, et les difficultés de recrutement concernent en partie des postes dont les conditions de travail et d’emploi ne sont pas de bonne qualité.

De surcroît, nous avons aujourd’hui un recul suffisant pour voir que ces politiques, à la mode au tournant des années 2000 et mises en œuvre par Tony Blair au Royaume-Uni ou par Gerhard Schröder en Allemagne, ont certes donné des résultats spectaculaires en matière de taux de chômage mais se sont accompagnées d’une extension de la pauvreté (y compris des seniors) et d’une forte dégradation de la qualité de l’emploi. En Allemagne, les lois Hartz, qui ont organisé la réduction de la couverture chômage et fusionné l’indemnité chômage et l’allocation d’assistance pour obliger les chômeurs de longue durée à prendre des emplois à bas salaire, ont donné des résultats très mitigés.

Gigantesque gâchis

Est-ce vraiment la politique de l’emploi dont nous avons besoin et qui convient à notre temps ? Sans doute pas. D’abord, parce qu’elle fait porter le poids des choix publics et privés français – celui des délocalisations et de l’insuffisance d’investissement dans les compétences – sur des salariés transformés dans un premier temps en chômeurs, ensuite en demandeurs d’aide sociale et peu à peu stigmatisés ou désignés comme « assistés ». Ensuite, parce que ce malheur et cette injustice, vécus majoritairement par les classes populaires, provoquent ressentiment et vote pour les extrêmes. Enfin, et surtout, parce que cette politique constitue un gigantesque gâchis de compétences, compétences dont nous avons pourtant besoin pour la reconstruction de notre économie.

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LJD

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