De nouveaux enseignants contractuels racontent leurs premières semaines « difficiles »
« Une claque », « un tsunami », « une plongée vertigineuse dans le grand bain ». Les enseignants contractuels interrogés par Le Monde rivalisent de métaphores pour évoquer la difficulté de leurs premières semaines en tant que professeurs. Nous les avions croisés, pour la plupart, plutôt confiants, lors du job dating de l’académie de Versailles en juin, ou lors de leur formation de quatre jours dans l’académie de Créteil, fin août. Nous les retrouvons essorés au début des vacances d’automne. « Il était temps que ces congés arrivent. Mon corps commençait à lâcher face à la fatigue et au stress accumulés », avoue Rachel, affectée dans une école à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
Comme les autres témoins, tous en école primaire, elle souhaite rester anonyme « pour ne pas que les parents d’élèves ou la hiérarchie [la] reconnaissent ». « Je ne mens pas aux parents mais je ne leur dis pas mon statut pour ne pas susciter la défiance », abonde Antoine, qui travaille en école maternelle en Seine-Saint-Denis.
Rachel, Antoine et les autres professeurs interrogés font partie des 4 500 enseignants contractuels supplémentaires recrutés par l’éducation nationale à la rentrée pour faire face à la pénurie de professeurs. En tout, ils représentent 1 % des enseignants du premier degré et 8 % des enseignants du second degré.
« Choc de réalité »
Comment gérer la classe, organiser la journée, construire ses séquences ? Ces nouveaux recrutés se sont posé ces questions en boucle depuis septembre.
« Au début, c’était la panique. Je n’arrivais pas à trouver le sommeil, j’avais peur de mal faire. Je regardais les comptes Instagram ou les blogs d’enseignantes chevronnées. Ça a l’air tellement plus fluide pour elles », détaille Rachel, qui a encore du mal à se sentir « légitime ». Laure, nommée dans une école à Villepinte (Seine-Saint-Denis), s’est, elle aussi, sentie « un peu perdue » lors des premiers jours de classe. Elle découvre que « tous les élèves ne vont pas à la même vitesse » et qu’elle ne peut pas aider tous les enfants en même temps. Un sentiment qui la frustre grandement. Elle compense par un grand nombre d’heures de préparation : « Le dimanche, j’élabore les journées de lundi et mardi, et le mercredi celles de jeudi et vendredi », raconte-t-elle.
Les conditions d’exercice compliquent encore la donne. La plupart des contractuels interrogés ont été affectés en éducation prioritaire, certains ont une classe avec deux niveaux, d’autres sont dans des classes différentes selon les jours. « En tout, je fais cours à plus de quarante élèves par semaine », note Rachel. Antoine, lui, compte vingt-six élèves de petite et de moyenne sections dont une enfant porteuse de trisomie, pour laquelle il est épaulé par une accompagnante d’élèves en situation de handicap, et deux enfants qui ne parlent pas français. Pierre Périer, professeur en sciences de l’éducation à l’université Rennes-II, le remarque : « La majorité des contractuels sont affectés dans des académies déficitaires et-ou dans des contextes difficiles. Cela a une incidence non négligeable sur leur entrée dans le métier. » Pour le chercheur, « le choc de réalité » que connaissent tous les enseignants débutants est « d’autant plus rude ».
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