De la Mauritanie à l’Assemblée nationale, la quête de justice du fils de Moussa Sylla

De la Mauritanie à l’Assemblée nationale, la quête de justice du fils de Moussa Sylla

Le 5 avril, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Boulaye Sylla tenant une photo de son père.

En cette matinée de fin février, Boulaye Sylla n’est que l’ombre de lui-même. Ses jambes filiformes parais­sent presque trop longues dans le canapé où il est assis, entouré de deux de ses grands-oncles. Dans le salon familial à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le Mauritanien de 25 ans balbutie quelques mots de français dans un murmure à peine audible. Son oncle Soumare Silly traduit les questions en soninké, langue parlée en Afrique de l’Ouest. Les yeux sombres de Boulaye Sylla prennent souvent un air absent, comme s’il était toujours hanté par la mort brutale de son père.

« Hier, un homme est mort des suites d’un accident du travail, avait déclaré le député La France insoumise (LFI) Alexis Corbière à l’Assemblée nationale le 13 juillet 2022. Je veux que cette mort terrible ne soit pas banalisée. » Cet homme s’appelait Moussa Sylla, il était agent de nettoyage. Il a perdu la vie la veille de la séance à l’Assemblée, après que sa tête a percuté violemment un mur, au sous-sol du Palais-Bourbon.

Arrivé en France en 2003, Moussa Sylla enchaîne les petits boulots et obtient ses papiers dix ans plus tard. Chaque mois, il envoie une grande partie de son salaire à sa mère, sa femme et ses deux fils, qui résident ensemble dans une maison en terre battue à Ould M’Bonny, un village agricole du sud de la Mauritanie. Il cumule deux emplois, le premier comme agent de nettoyage, employé par la société Europ Net, sous-traitante de l’Assemblée nationale, qui lui rapporte 900 euros mensuels. Le second pour la société de services Sodexo pour lequel il gagne 600 euros par mois. Le Mauritanien subit un rythme éreintant pour un salaire à peine plus élevé que le smic. « Il ne me l’a jamais dit clairement, mais je savais qu’il était fatigué », confie son fils.

Un mouvement de solidarité mené par Rachel Keke

Le 9 juillet 2022, Boulaye Sylla est informé par téléphone que son père vient d’avoir un grave accident. Le jeune homme, qui a quitté les bancs du collège en 3e, travaille alors dans une épicerie de son village. Il se souvient ­parfaitement de cet appel, c’était l’Aïd-el-Fitr, la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de ramadan. Trois jours plus tard, son père meurt à l’hôpital des suites de ses blessures. « Sa mort a été un grand choc », balbutie-t-il aujourd’hui.

A l’Assemblée nationale, un mouvement de solidarité se met rapidement en place. Une semaine après l’annonce de la mort de Moussa Sylla, un hommage est organisé, place du Président-Edouard-Herriot, à deux pas du Palais-Bourbon. Main dans la main avec les syndicats de nettoyage et le personnel de l’Assemblée, les députés de la Nupes font du bruit autour du drame, avec en tête Rachel Keke. L’élue LFI du Val-de-Marne, originaire de Côte-d’Ivoire, a bien connu la sous-traitance et ses galères : elle a mené une longue lutte pour les droits des femmes de chambre de l’hôtel Ibis-Batignolles, à Paris, avant de siéger au Palais-Bourbon en juin 2022.

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LJD

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