Dans l’Aveyron, mobilisation pour sauver la fonderie automobile SAM
Dans l’ancien bassin houiller de Decazeville, dans l’Aveyron, sur le site de Viviez, la SAM, qui produit des pièces sous pression en aluminium pour l’automobile, a cessé la production depuis le 14 avril, et les salariés ne reprendront pas le travail, « sans aucune piste concrète ». Mardi 21 avril, près de 2 000 personnes, dont des élus locaux de tous bords politiques, étaient rassemblées en fin d’après midi sur le site pour maintenir la pression sur l’Etat et le groupe Renault – son principal donneur d’ordre.
Le site est placé en redressement judiciaire depuis décembre 2019, et le groupe espagnol CIE Automotive s’est positionné, le 8 mars, pour reprendre 150 emplois sur les 357 salariés actuels, sur une base de 30 millions d’euros de chiffres d’affaires octroyés par an par Renault. Depuis, les fortes mobilisations en février et en mars ainsi que les tables rondes successives ont permis à ce que Renault assure 10 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires et soutienne aussi l’activité d’assemblage de petites pièces dont CIE voulait se séparer, permettant de reprendre 50 employés en plus.
Mais salariés et syndicats jugent la position du groupe espagnol bancale et soulignent le manque de transparence : « C’est 150 emplois, sinon rien. Ils ne souhaitent pas non plus accepter de subventions de la région ou de l’Etat. Ils ne disent pas combien ils vont investir, sur quelle durée, ils disent que cela ne nous regarde pas, qu’il faut accepter et qu’après, on verra », regrette Sébastien Lallier, secrétaire du comité social et économique (CSE) et représentant des salariés au tribunal de commerce.
« Les investissements promis ne sont jamais arrivés »
L’Etat était pourtant prêt à accorder une enveloppe de 800 000 euros dans le cadre du plan de relance, et la région Occitanie, plusieurs centaines de milliers d’euros.
Le blocage est tel que CIE Automotive a retiré son offre le 8 avril, tout en laissant la porte ouverte si les salariés acceptaient leur position.
Mais, pour ces derniers, impossible de céder. Il faut dire qu’ils ont déjà connu des projets de reprise et leurs lots d’incertitudes. En décembre 2017, le groupe chinois Jingjiang rachète SAM, avant, finalement, de jeter l’éponge deux ans plus tard. « Les investissements promis ne sont jamais arrivés. Beaucoup disent ici que c’était calculé. Ils ont racheté les bâtiments pour 1 million d’euros, puis sont repartis en demandant 4 millions. On avait trente machines, il n’y en a plus que quinze, ils ont tout revendu, alors qu’ils auraient pu les entretenir », raconte, amer, Sébastien Segond, salarié depuis trente ans.
« On a acté entre nous le sacrifice de 107 familles »
« Un grand groupe chinois n’a pas investi dans la SAM, alors qu’il en avait les moyens financiers. Nous sommes donc frileux quand on voit un groupe espagnol qui vient avec de telles annonces, cela nous laisse craindre le pire », confie David Gistau, secrétaire départemental de la CGT. Les salariés souhaiteraient surtout qu’on leur offre des pistes de diversification : « On peut aussi fabriquer des pièces pour l’aéronautique, le médical, des bouchons de parfum, il y a une multitude de possibilités en fonderie. »
Dans un discours, Ghislaine Gistau, secrétaire du syndicat CGT et déléguée syndicale, ne cache pas non plus son amertume : « Nous avons décidé en assemblée générale que 250 salariés devaient être repris. On a acté entre nous le sacrifice de 107 familles qui se retrouveraient sans travail. On n’ira pas en dessous », a-t-elle fustigé, applaudie par la foule.
Si la mobilisation reste encore forte dans cette ancienne cité minière de 5 000 âmes, qui, en quarante ans, a perdu les deux tiers de ses habitants, c’est que les restructurations se succèdent. A 40 kilomètres de là, l’usine Bosch de Rodez a annoncé, début mars, la suppression de 700 emplois. Jean-Christophe, originaire de la région, a fait le trajet depuis le Pays basque : « Ma mère a travaillé ici, ma sœur, mes amis d’enfance, c’est important de se soutenir. »
Aurore Cros