Dans l’Aisne et la Somme, « le plan de relance, on n’en a pas vu la couleur »

Dans l’Aisne et la Somme, « le plan de relance, on n’en a pas vu la couleur »

La tête d’un avion A320 exposé dans le quartier de la gare d’Albert (Somme), le 10 février.

Ici, on fabrique des bracelets de montre qui valent plus cher qu’un iPhone. Certaines pièces montent même à 10 000 ou 15 000 euros. Cousus à la main, les modèles partent ensuite chez « Cartier, Rolex ou Patek Philippe », égrène fièrement Laurence – les prénoms des salariés ont été modifiés –, une ancienne de la maison Camille Fournet, sous-traitant de grandes marques d’horlogerie implanté à Tergnier, petite commune rurale de l’Aisne.

Laurence a 40 ans, deux enfants en bas âge, un mari au chômage depuis six ans, et a été licenciée il y a quelques mois. Comme Marine, « la cinquantaine », congédiée elle aussi, alors même, dit-elle, qu’elle était en arrêt maladie. Au total, 14 ouvrières de cet atelier, qui n’emploie presque que des femmes, payées au smic ou un peu plus, ont été licenciées depuis l’été 2020, soit 6 % des effectifs.

Pourtant, l’entreprise, comme d’autres dans la région, a été sélectionnée pour toucher une subvention de 500 000 euros dans le cadre du plan de relance au titre du « soutien à l’investissement industriel dans les territoires ». Camille Fournet, qui a subi une « baisse de 30 % à 40 % de son activité » pendant le premier confinement selon son directeur général adjoint Jean-Yves Basin, affirme que l’argent va lui permettre de se moderniser pour réduire de moitié le temps de fabrication des bracelets et de recruter « 30 salariés à terme ». Mais l’opération a du mal à passer chez « les filles », comme elles disent.

« Ça m’écœure que Camille Fournet licencie alors qu’ils touchent des aides de l’Etat, s’emporte Marine. Il n’y a eu aucune contrepartie. Je croyais que le luxe, ça marchait bien. Je suis en colère, ils nous ont jetées dehors sans même regarder nos situations familiales. » Le jour de son licenciement, Laurence a travaillé toute la journée. « A 17 heures, ils m’ont appelée et m’ont dit “tu ne remets plus les pieds dans l’atelier”. Ils m’ont juste dit que les commandes avaient baissé. Ils ont changé les codes du parking pour qu’on ne puisse plus rentrer, ils avaient peur qu’on casse tout. »

Incompréhension et indignation

Parmi les ouvrières licenciées, certaines veulent aller aux prud’hommes. Les élus locaux, eux, sont prudents. Pour la petite municipalité de Tergnier, la présence de Camille Fournet est essentielle. C’est l’un des plus gros employeurs de cette ville ouvrière aux maisons en brique rouge, qui a vu partir les usines les unes après les autres. « Je ne veux pas tirer sur une entreprise locale, il y a de l’emploi en jeu », admet Aurélien Gall, adjoint au maire dans cette ville communiste où Marine Le Pen est arrivée en tête en 2017, comme dans toutes les communes environnantes. « Et puis la marge de manœuvre des villes est faible », soupire-t-il.

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LJD

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