Dans la Manche, une expérimentation pour aider les petits patrons à bénéficier de procédures de sauvetage
Pour un petit patron dont l’entreprise est en perdition, c’est un peu la quadrature du cercle. Comment avoir recours aux mandataires judiciaires, qui pourraient l’aider à redresser la barre et lui éviter peut-être le naufrage, quand il n’y a plus un sou dans la caisse ? C’est l’une des difficultés identifiées dans le rapport sur la justice économique rédigé par Georges Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France, et remis le 19 février au garde des sceaux.
De très nombreuses entreprises – environ 6 000 par an, selon une estimation de la mission Richelme – « n’ont pas recours aux procédures amiables qui pourraient les protéger lorsque leur situation se dégrade », constate le rapport. En cause, le coût de ces procédures, qui peut atteindre plusieurs milliers d’euros. Résultat, lorsque l’entreprise arrive au tribunal de commerce, c’est souvent pour aller directement à la liquidation, sans bénéficier de procédures de prévention, type mandat ad hoc ou conciliation.
Pour « ne pas abandonner de petites entreprises viables, mais non solvables en raison de la crise », le conseil général de la Manche a décidé d’aider les TPE du département à financer ces procédures, en particulier les honoraires des mandataires de justice. Un budget de 300 000 euros a été débloqué en ce sens. Les aides sont octroyées aux entreprises au cas par cas par l’intermédiaire du centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP) Ouest-Normandie.
« Parent pauvre »
Ces centres, créés en 1995, rassemblent des experts de l’entreprise (avocats, experts-comptables, anciens juges…) qui accompagnent bénévolement les patrons en difficulté. « La préoccupation de ce département plutôt rural est de voir disparaître tout un pan du tissu économique, constitué de toutes petites entreprises », explique Thierry de Robien, président du CIP Ouest-Normandie.
Depuis le lancement de l’initiative, six TPE en ont bénéficié : parmi elles, un commerce de chaussures, une entreprise spécialisée dans l’entretien des immeubles, une entreprise de sécurité… Le CIP finance entre 1 500 euros et 3 000 euros en fonction de l’effectif de l’entreprise. De son côté, le mandataire désigné par le tribunal s’engage à limiter ses honoraires à 500 euros s’il s’avère que la liquidation est la seule option possible.
Cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation au bout de quelques mois. Si elle s’avérait concluante, elle pourrait être étendue à d’autres régions. « Si cela marchait, ce serait une aide pour les toutes petites entreprises, qui sont le parent pauvre » de la justice économique, veut croire Thierry de Robien.