Crise de confiance au « Parisien », entre difficultés économiques et inquiétudes sur l’indépendance de la rédaction

Crise de confiance au « Parisien », entre difficultés économiques et inquiétudes sur l’indépendance de la rédaction

Le siège du Groupe Les Echos-Le Parisien, à Paris, le 20 décembre 2022.

Trois lettres ont longtemps défini Le Parisien. RER, pour « révéler, étonner, raconter ». « Avec Bernard Arnault, on voit bien que les révélations ont des limites », grince une journaliste, qui a requis l’anonymat, précisant que les scoops existent toujours dans les pages du quotidien « mais pas à propos de n’importe qui ». LVMH, dont l’actionnaire majoritaire est Bernard Arnault, a racheté ce titre en 2015. Huit ans après, l’érosion des ventes se poursuit et, aux inquiétudes quant à la santé du journal, sont venues s’ajouter des interrogations sur la ligne éditoriale et sur l’interventionnisme supposé de l’actionnaire principal.

Ce sentiment de malaise a été exprimé lors des deux assemblées générales tenues début avril, qui ont réuni plus de la moitié des 410 cartes de presse de la rédaction. Certains dénoncent la « dérive partisane de la ligne éditoriale » en faveur de l’exécutif depuis le début de la contestation contre la réforme des retraites. Certains au sein de la rédaction ont vu la main de Bernard Arnault derrière cette inflexion. Nicolas Charbonneau, directeur des rédactions, conteste farouchement ces attaques.

Preuve de l’étendue de l’inquiétude ressentie, le 12 avril, très majoritairement la rédaction a refusé d’accorder sa confiance à la direction. L’éviction de Nicolas Barré de la direction de la rédaction des Echos − quotidien également détenu par LVMH − quelques jours auparavant avait relancé les spéculations chez ceux qui s’inquiétaient des interventions de l’actionnaire.

Lancinante, la question revient lors de chaque assemblée générale de la rédaction du Parisien. Pourquoi Bernard Arnault a-t-il choisi de miser sur un quotidien populaire que l’on trouve encore souvent sur le zinc des bistrots franciliens ? Pour profiter de son influence et du prestige de la marque ? « C’est un passage obligé pour tout milliardaire, mais il voulait aussi en faire un instrument de pédagogie de l’économie de marché », explique l’un de ses proches. Entendu en janvier 2022 dans le cadre de la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias, M. Arnault avait avancé l’« intérêt général » pour justifier sa présence dans le secteur des médias. « Sinon, certains titres n’auraient pas survécu », avait-il dit, se présentant ainsi en mécène.

Très attentif

« Bernard Arnault, qui est très attaché à la presse, a choisi de montrer qu’il croyait à ce secteur », assure au Monde Francis Morel, qui était le PDG des Echos en 2015. Persuadé que le journal économique risquait de devenir un acteur isolé dans un paysage en pleine concentration, M. Morel a œuvré pour convaincre M. Arnault de réunir Le Parisien et Les Echos (qu’il possédait depuis 2007) dans le même groupe, arguant des économies de mutualisation de fonctions supports (abonnement, ressources humaines, etc.) ainsi qu’une plus grande force de frappe d’une régie publicitaire commune. « Soit on sortait, soit on se renforçait », résume-t-il, aujourd’hui.

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LJD

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