Coronavirus : « Qui aurait cru que les discussions autour de la machine à café manqueraient tant ? »
Tribune. Pour survivre à l’épidémie due au coronavirus, et en seulement quelques jours, la majorité des employés des entreprises qui en avaient la capacité ont dû adopter le télétravail en catastrophe. Malgré l’existence d’outils adaptés depuis une décennie, la croissance du télétravail en France est très récente, et pour cause : gérer les travailleurs, les équipes et une organisation à distance érode la cohésion sociale et la culture organisationnelle qui servent de fondation à notre motivation collective.
Manager à l’heure du télétravail généralisé, et dans une situation d’incertitude telle que celle que nous connaissons aujourd’hui, présente des défis inédits pour nos entreprises et pour leurs dirigeants. L’isolation sociale, l’inquiétude pour ses proches, et la situation générale ont un coût psychologique. Les employés ne peuvent plus compter sur les liens et le soutien interpersonnel traditionnellement offert par leur lieu de travail, à cause des limites inhérentes aux technologies qui permettent le télétravail.
Manager se fait alors sur la base de signaux faibles – il faut désormais compter sur les courriels ou sur une réunion par vidéoconférence, qui fournissent peu d’indications sur l’état psychosocial des collaborateurs. Qui aurait cru que les discussions autour de la machine à café manqueraient tant ? Ce sont ces conversations, aussi anodines qu’elles soient, qu’elles portent sur la météo, le sport ou notre vie personnelle, qui permettent au manageur de prendre le pouls de ses employés. Désormais il faudra faire sans.
Frontière floue
Pour le manageur, l’effort de prise de perspective pour se mettre dans la peau de ses salariés devient crucial – comprendre les particularités de leur situation, et adapter ses attentes. Ces employés et collaborateurs ont-ils des enfants en bas âge ? Des personnes dépendantes ? Des proches éloignés pour lesquels la situation ne peut être qu’inquiétante ?
Sans une capacité d’écoute, il sera impossible pour les manageurs de capter ces « signaux faibles » concernant l’état émotionnel des salariés, par écrans interposés
Il faut reconnaître que le télétravail va regrouper de nombreuses réalités différentes dans le contexte actuel – qu’on soit seul chez soi ou confiné en famille – et qu’il ne sera pas possible ou souhaitable de demander les mêmes investissement et réactivité à tout le monde.
Dans le contexte actuel, la frontière entre travail et vie personnelle est encore plus floue : en travaillant de chez soi, notre vie personnelle nous accompagne au travail, et le stress d’une crise inédite fait peser des doutes sur le futur de nos emplois. Il faut alors flexibiliser les attentes que nous avons les uns envers les autres, sans quoi les risques psychosociaux ne feront qu’enfler.