Coronavirus : ces groupes allemands qui veulent payer des dividendes, malgré le chômage partiel
Est-il normal que de grandes entreprises distribuent des milliards d’euros à leurs actionnaires, tout en percevant des aides de l’Etat ? C’est la question qui agite les milieux économiques et financiers en Allemagne, à l’approche de la saison des assemblées générales annuelles, prélude au paiement de dividendes.
En quelques semaines, la pandémie due au coronavirus a bouleversé l’activité outre-Rhin. Un chiffre laisse entrevoir l’ampleur du cataclysme qui s’est abattu sur la première puissance économique européenne : au 31 mars, 470 000 entreprises allemandes avaient déposé une demande de chômage partiel auprès de l’Agence fédérale pour l’emploi, selon son directeur, Detlef Scheele. Ce chiffre dépasse largement le précédent record atteint pendant la crise financière. Au plus fort des turbulences de 2008-2009, près de 55 000 entreprises allemandes avaient eu recours à l’activité réduite, affectant 1,4 million de salariés.
Le secteur de l’automobile est aux premières loges de la crise actuelle. Fin mars, BMW mettait 20 000 salariés allemands au chômage partiel, deux semaines après avoir suspendu la production dans tous ses sites d’Europe. L’activité n’y redémarrera pas avant la fin du mois d’avril. Cependant, malgré ces difficultés, le constructeur bavarois ne remet pas en question le versement d’un dividende. Lundi 6 avril, le groupe envoyait les invitations à l’assemblée générale annuelle qui se tiendra le 14 mai par visioconférence. Lors de la réunion virtuelle, le directoire de BMW proposera un dividende de 2,50 euros par action, soit un total de 1,6 milliard d’euros à distribuer aux actionnaires.
Cette décision fait grincer des dents, étant donné que le constructeur bénéficie indirectement d’aides publiques. En effet, l’Agence fédérale pour l’emploi prendra en charge jusqu’à 67 % de la perte de salaire subie par les milliers de salariés que BMW aura mis au chômage durant tout le mois d’avril.
« Visage hideux du capitalisme »
« L’indemnité de chômage partiel est une subvention. Quand on reçoit des aides de l’Etat, on ne distribue pas en même temps ses profits aux actionnaires », a objecté Carsten Schneider, l’un des chefs de file du groupe parlementaire du Parti social-démocrate (SPD) au Bundestag (la Chambre basse du Parlement allemand). « C’est le visage hideux du capitalisme. Je suis pour un moratoire sur le paiement de dividendes lorsque c’est le cas », a poursuivi le député.