Cheick Mahamane Koné, le sans-papiers qui réclame justice à Frichti

Cheick Mahamane Koné, le sans-papiers qui réclame justice à Frichti

Cheick Mahamane Koné, à Paris, le 28 novembre 2021.

Dans sa prochaine vie, quand il aura « des papiers », espère-t-il, il sera « cariste » ou « dans le gardiennage » ou encore « employé de libre-service, pour ranger les rayons ». Ce sont les rêves de Cheick Mahamane Koné, 30 ans.

Cet immigré de Côte d’Ivoire a quitté son pays en 2014, pour fuir la crise politique. Il est arrivé à Paris en 2018. Dans l’intervalle, son périple l’a mené jusqu’au Maroc, d’où il embarque pour l’Europe au risque de sa vie. Le 17 octobre 2017, il est l’un des cinquante-cinq passagers d’un Zodiac naviguant vers l’Espagne : « Vingt-quatre heures de traversée, sans boire ni manger. Il y avait du vent, des vagues, des gens évanouis, d’autres qui vomissaient », se souvient-il. Un bateau de la Croix-Rouge espagnole vient finalement les secourir. En France, il est placé en centre de rétention, puis renvoyé en Espagne, d’où on le renvoie de nouveau en France…

Sous le compte d’un autre

Dans la capitale, il travaille sans papiers. En juin 2019, il rencontre un livreur de Frichti, la plate-forme française de livraison de repas : « Il m’a demandé si je pouvais faire une livraison pour lui. » En quelques jours, Cheick Mahamane Koné apprend à faire du vélo. C’est ainsi qu’il débute dans ce métier, en travaillant sous le compte d’un autre. Ce dernier, déclaré comme autoentrepreneur et en situation régulière, empoche 30 % des gains de son « employé ». La situation dure un an.

Les choses changent en juin 2020, à la suite d’une enquête du quotidien Libération sur un livreur sans papiers travaillant pour un sous-traitant de Frichti. La plate-forme décide alors de contrôler le titre de séjour ou la carte d’identité de ses livreurs. Plus de 200 d’entre eux, en situation irrégulière, perdent alors leur travail. Après une médiation entre la Préfecture de police, le syndicat CGT et Frichti, près de la moitié ont la possibilité d’engager une procédure de régularisation auprès du ministère de l’intérieur.

Les autres perçoivent chacun 1 400 euros de la part de Frichti. En échange, la ­plate-forme leur fait signer un document dont beaucoup, lisant mal le français, ne comprennent pas le contenu et dont ils n’ont aucune trace. Parmi eux, un premier groupe de soixante-six livreurs, dont Cheick Mahamane Koné fait partie, doit passer en jugement au conseil de prud’hommes de Paris ce vendredi 3 décembre : ils demandent la reconnaissance d’un contrat de travail avec la plate-forme. Et ce qui en découle : fiches de paie, rappels de salaire sur la base du smic, équivalent des congés payés…

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LJD

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