« C’est hallucinant, quand on regarde où on était il y a un an… » : nouveau départ « made in France » pour l’ex-Jacob Delafon
Contrat serré dans la main, ils font la queue devant la porte en bois marquée du mot « direction », un peu intimidés par la solennité du moment. C’est que ce jeudi 9 décembre est historique : il scelle la reprise de la célèbre fabrique de sanitaires en céramique Jacob Delafon, installée depuis 1889 à Damparis (Jura), par une PME française, le Groupe Kramer, jusqu’ici spécialisé dans la robinetterie.
Les derniers actes de rachat au groupe américain Kohler – qui détenait l’entreprise depuis 1986, et emporte la marque avec lui – seront signés dans l’après-midi. Mais, avant, le nouveau PDG, Manuel Rodriguez, reçoit en tête à tête chacun des anciens salariés qu’il va réembaucher pour redémarrer. Ils sont cinquante-quatre, déjà ou bientôt de retour dans cette usine qu’ils ont craint de voir disparaître, et dont ils ont été licenciés pour raison économique, il y a six mois.
« Cela fait du bien, déclare Eric Donzeau, 57 ans. Depuis le 3 septembre 2020 et l’annonce par Kohler qu’il voulait se séparer du site, on est passés par des hauts et des bas. On croyait que ça allait repartir, puis non… C’était dur… » Comme lui, d’autres témoignent de leur soulagement. « Cela m’évite le stress d’une recherche d’emploi, les agences d’intérim… J’ai connu ça, c’est galère », dit l’un. « A notre âge, cela n’aurait pas été évident de travailler ailleurs », dit un autre âgé de 59 ans.
« On a confiance »
Ceux qui ont déjà repris sont enthousiastes. Comme Frédéric Curie, 52 ans, revenu dès novembre, alors qu’il venait de retrouver un autre emploi. « Dans une PME, les décisions se prennent plus vite. Et ici ! Pas aux Etats-Unis ! L’ambiance est déjà très différente. On a confiance. »
« Ici, on peut produire français de A à Z. On a senti tout de suite que cela intéressait des grandes marques », Manuel Rodriguez, PDG de Kramer
Jean-Claude Cetre, 42 ans, a retrouvé son atelier il y a dix jours. « C’est comme si je n’étais jamais parti !, dit-il légèrement euphorique. Je ne me voyais pas faire autre chose ! » Son travail est central : il est matriceur, il fait le moule des moules. « J’ai eu beaucoup de contacts avec M. Rodriguez, car, en France, les matriceurs, il n’y en a plus ! Donc, sans nous, il aurait dû sous-traiter en Italie. » Or, ce n’était pas le projet, qui s’affiche dès le nouveau nom de l’entreprise, officiellement rebaptisée, jeudi, la « Jurassienne de céramique française ».
La stratégie est en effet au 100 % made in France. « Ici, on peut produire français de A à Z. On a senti tout de suite que cela intéressait des grandes marques. En ce moment, faire venir des vasques et des toilettes de l’autre bout du monde, cela coûte très cher ! Et c’est tant mieux pour notre projet ! », détaillera M. Rodriguez, lors de la cérémonie d’inauguration, en insistant sur son « amour inconsidéré » pour la France.
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