Le gouvernement fait sa rentrée. L’occasion de retisser les liens avec des partenaires sociaux qui ont eu le sentiment, ces derniers mois, de n’être pas considérés par l’exécutif.
Après avoir été reçus à la mi-juillet par le président de la République, Emmanuel Macron, à l’Elysée, syndicats et patronat s’apprêtent donc à rencontrer, chacun à son tour, du 29 août au 4 septembre, le premier ministre, Edouard Philippe, qui sera accompagné de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de sa collègue du travail, Muriel Pénicaud.
Au menu de cette rentrée sociale à haut risque : assurance-chômage, plan pauvreté, retraites…
Le numéro un de FO, Pascal Pavageau, a été reçu dès 8 heures par le premier ministre et la ministre du travail. Au sortir de la réunion, il a indiqué qu’il refuserait de se « faire hara-kiri » si la nouvelle réforme de l’assurance-chômage consistait à supprimer le principe assurantiel du régime :
Si la lettre de cadrage [préalable à une négociation officielle] devait être de nous demander de supprimer […] le principe assurantiel, le tout dans un cadre contraint budgétaire, j’ai dit au premier ministre : On n’est pas la secte du temple du Soleil, on ne va pas tous se réunir dans un coin pour se faire hara-kiri sur demande du gouvernement !
« Rien d’arrêté » sur la santé au travail
Sur la santé au travail, M. Pavageau a expliqué « que pour l’instant il n’y avait rien d’arrêté, y compris jour(s) de carence » ou transfert aux entreprises de la prise en charge des premiers jours d’arrêt-maladie après le délai de carence.
Un sujet qui inquiète fortement le dirigeant du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, reçu, lui, à 9 h 30 par le premier ministre :
[Je lui] ai rappelé très fortement notre opposition au déremboursement éventuel des indemnités journalières. […] Il faut essayer de réfléchir à des solutions en prenant le temps du diagnostic.
Si le premier ministre a affirmé dimanche écarter l’idée d’un « transfert brutal » du financement des arrêts de courte durée de la Sécurité sociale vers les entreprises, il souhaite que les partenaires sociaux trouvent des solutions pour que l’absentéisme cesse d’augmenter.
La réforme des CDD préoccupe le patronat
Geoffroy Roux de Bézieux souhaite également que soit rejeté le projet du gouvernement visant à instaurer un bonus-malus pour pénaliser les entreprises abusant des contrats courts.
« On a rappelé notre opposition au système du bonus-malus, quels qu’en soient les paramètres, non pas pour des raisons dogmatiques ou idéologiques (mais) parce que c’est la nature de l’activité qui amène à avoir des contrats courts ou un turn-over important », a-t-il déclaré, citant par exemple « les extras dans la restauration ».
Les autres rendez-vous de la journée
11 heures – François Hommeril, président de la CFE-CGC;
16 h 30 – Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.
Chronique. Le premier timbre-poste français figurait Cérès, déesse des moissons et de la fécondité. C’était en 1849 le début d’une aventure, celle du service universel de la poste, partout en France au même prix. Cent soixante-dix ans plus tard, Cérès change de métier. Du moins moissonnera-t-elle désormais en priorité des contrats d’assurance et des comptes-chèques plutôt que des lettres. Non pas qu’elle arrête de recueillir et distribuer les précieux mots doux et les irritantes factures, mais, pour la première fois de son existence, son premier métier ne sera plus le courrier mais la finance. Avec l’acquisition de CNP, l’un des premiers assureurs français, son activité dans la banque et l’assurance devrait représenter plus de la moitié de ses ventes et la grande majorité de ses bénéfices. Le seul résultat net de CNP Assurances représente deux fois celui de la totalité du groupe La Poste.
C’est le destin des grandes postes mondiales, presque toutes issues d’administrations publiques. Trois siècles après les premiers postillons et relais de poste, elles doivent se trouver d’urgence de nouvelles occupations pour pallier la disparition progressive des lettres tombées au champ d’honneur du numérique. Les particuliers échangent par mail ou SMS et même les impôts s’affranchissent du passage par la boîte aux lettres. Or la disparition progressive du courrier s’accélère. De 4 à 5 % de baisse annuelle au début des années 2000, le rythme est passé à 7 % en France en 2017. Le casse-tête est double. Pour continuer à assurer sa mission de service publique, il faut à la fois maintenir un nombre conséquent de facteurs et trouver de nouvelles sources de revenus pour les financer.
Les colis ou la finance
Trois pistes ont été testées en Europe : les colis, les services et la finance. Livrer des paquets est l’extension naturelle du métier de facteur et l’expansion du commerce électronique lui offre un avenir prometteur. Mais l’exigence de rapidité…
Tribune. L’intelligence artificielle (IA) — l’ensemble des technologies qui étendent les capacités humaines de percevoir, de comprendre et d’agir — frappe à la porte des entreprises. Ce n’est pas la première fois que les technologies le font.
Certains lecteurs se rappelleront des systèmes d’aide à la décision, des systèmes experts — intégrant déjà l’IA — ou de la gestion des connaissances, qui monopolisait l’intérêt des entreprises à la fin des années 1990. Et pourtant, malgré les bénéfices qu’elle offrait, l’intérêt pour cette technologie s’est effondré. L’histoire ne se répète pas, mais présente des leçons à tirer pour l’arrivée de l’IA dans l’entreprise.
En janvier, Amazon Go, le premier supermarché équipé de dispositifs d’IA a ouvert au public, à Seattle, au pied du siège d’Amazon. Le consommateur est contrôlé à l’entrée du magasin, en scannant le code de l’application Amazon Go sur son smartphone.
En revanche, il n’est pas contrôlé à la sortie — il n’y a ni caisses ni vigiles. Mais des centaines de dispositifs fixés aux plafonds ou sur les étalages enregistrent que le consommateur prend un produit et l’ajoutent à sa liste des achats. Une fois le client sorti du magasin, la somme des produits enregistrés est débitée de son compte.
Cette technologie n’est pas encore parfaite. Par exemple, aucun produit n’est vendu au poids. Au départ, seuls les salariés d’Amazon pouvaient y faire des achats. Grâce à leurs retours d’information sur les imperfections initiales, ils ont contribué à rôder les dispositifs IA de ce magasin pendant plusieurs mois. C’était une première collaboration entre les salariés d’Amazon et les dispositifs d’intelligence artificielle, mais ce ne fut pas la seule.
Bien qu’il n’y ait pas de caissières dans ce magasin, des nouveaux métiers y sont présents. Par exemple, des salariés regardent les images des caméras pour s’assurer que le client est identifié même si une écharpe cache…
C’est un effet collatéral de la mise en œuvre du prélèvement à la source, cette réforme qui doit bouleverser la collecte de l’impôt en France à compter de 2019. Le groupe BNP Paribas a décidé qu’à partir du mois de janvier le salaire annuel de tous ses collaborateurs salariés en France sera versé en douze mensualités au lieu de treize aujourd’hui. Le treizième mois, traditionnellement versé en fin d’année, disparaît donc, pour être lissé au fil des mois.
L’initiative de BNP Paribas traduit l’inquiétude du patronat face à la réaction des salariés découvrant leur bulletin de paie amputé de l’impôt, qui sera, à partir de 2019, collecté directement sur les salaires ou les pensions, et non plus acquitté un an après comme c’est le cas actuellement.
« Le prélèvement à la source va avoir pour effet de diminuer le montant du “net à payer mensuel” », explique-t-on chez BNP Paribas. Le groupe bancaire entend ainsi « limiter l’incidence de ce prélèvement sur la trésorerie des collaborateurs ». « Cet aménagement simplificateur améliorera également la lisibilité du bulletin de paie pour le salarié », poursuit un porte-parole de l’institution, qui précise s’être engagée, depuis plusieurs mois, dans la conduite du projet de mise en œuvre du prélèvement à la source.
Une initiative dénoncée par les syndicats
Les entreprises ne sont pas les seules à s’inquiéter. Dans sa dernière édition, LeCanard enchaîné avance que de nombreux députés et plusieurs ministres n’ont cessé de monter au créneau pour mettre en garde sur une réforme « techniquement difficile, mais aussi politiquement très dangereuse ». Selon l’hebdomadaire, le président de la République, Emmanuel Macron, aurait informé sa garde rapprochée qu’un report n’était pas exclu. Dimanche 26 août, le premier ministre, Edouard Philippe, promettait déjà, dans un entretien au Journal du dimanche, de faire « le point », d’ici à quelques…
Tribune. Les dirigeants d’entreprise ont aujourd’hui des attentes fortes en matière de sécurité. D’après un sondage international réalisé en janvier 2018 par le cabinet d’audit PwC auprès de 1 400 d’entre eux, les risques terroristes, géopolitiques ou de cybersécurité font partie de leurs principales inquiétudes.
Dans ce contexte, les dirigeants ont massivement investi : hausse des budgets, recrutement de directeurs sécurité, renforcement des équipes au niveau central pour gérer les questions de sûreté sur plan mondial. Cette préoccupation est tout à fait compréhensible étant donné l’évolution des menaces terroristes, criminelles ou para-étatiques, les Etats eux-mêmes n’étant pas toujours en mesure de les protéger. Ce choix peut être considéré comme profitable, tout autant pour les collaborateurs que pour le patrimoine matériel et informationnel de l’entreprise.
Dans cette perspective, les directions de sécurité, de sûreté ou de management des risques recourent à des analyses, s’assurent de la sécurité des voyages des collaborateurs, forment aux risques de kidnapping ou de fuites d’informations, réalisent une veille sur les menaces potentielles, procèdent à des tests d’intrusion pour vérifier la robustesse des dispositifs, voire élaborent des plans de gestion de crise.
« Mais qui gardera ces gardiens ? »
Mais reste toujours d’actualité la célèbre question que le poète romain Juvénal posait : « Quis custodiet ipsos custodes ? » – communément traduite par « mais qui gardera ces gardiens ? ». Autrement dit, les personnels chargés d’assurer la sécurité ont un pouvoir qui peut aussi représenter un danger.
Les dirigeants qui se dotent de moyens de sécurité prennent en effet le risque que ceux-ci soient utilisés à mauvais escient. Tel fut le cas récemment, semble-t-il, de certaines entreprises européennes opérant dans des zones de guerre qui ont négocié avec l’Etat islamique, ou d’entreprises américaines…
Tribune. A l’occasion du voyage d’Etat du président de la République à Copenhague, mardi 28 et mercredi 29 août, mettons en lumière une spécificité méconnue du capitalisme danois : l’importance des fondations actionnaires.
Avec 1 360 fondations actionnaires, le Danemark est un modèle en Europe : les entreprises détenues par des fondations représentent 54 % de la capitalisation boursière, 10 % de la richesse nationale, 18 % de la création de valeur, 25 % des exportations et 60 % du budget de recherche et développement ! Des fleurons industriels (Carlsberg, Novo Nordisk, Velux, Maersk, Danfoss…), mais aussi de nombreuses PME, sont ainsi mieux protégés des effets du court-termisme grâce à un actionnariat stable, au cœur du système économique et redistributif danois. Les seuls dons des fondations actionnaires danoises dépassent le milliard d’euros par an.
Au-delà du Danemark, d’autres pays ont emboîté le pas. Elles sont près de 1 000 en Allemagne (Bosch, Bertelsmann, Playmobil), 1 000 en Suède (Electrolux, SEB…) et nombreuses aussi en Suisse (Rolex, Sandoz…), pour ne citer que ces exemples.
Les Laboratoires Pierre Fabre pionniers
Et en France ? Quelques pionniers font figure d’exception, en particulier les Laboratoires Pierre Fabre, qui appartiennent à 86 % à la fondation du même nom. Mais aucune fondation française ne peut avoir un rôle d’actionnaire aussi actif que dans les pays d’Europe du Nord ni concilier pleinement mission économique et mission d’intérêt général. Certains d’entre nous créent des fonds de dotation actionnaires, déjà plus agiles que les fondations d’utilité publique, mais ils restent dépourvus de toute mission économique explicite au-delà de l’action caritative.
Il est temps de dépasser le clivage entre économie et philanthropie pour inventer un capitalisme nouveau. Nous sommes donc nombreux à attendre la création par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises)…
Facebook est une entreprise dont 97 % du chiffre d’affaires (près de 41 milliards de dollars en 2017) est réalisé par la vente d’une publicité supposée d’autant plus efficace qu’elle repose sur des données aussi précises que nous sommes loquaces. Publications sur un réseau social, un blog, un forum, photos, avis, signatures de pétitions, pages vues sur un site, achats réalisés, recherches effectuées sont autant de données qui deviennent des cibles publicitaires.
Alors qu’auparavant une faible quantité de producteurs de contenus légitimes – presse, édition, universités, Eglises, Etats – s’adressait à un auditoire lui aussi restreint, chacun est désormais à la fois consommateur, créateur et source des données.
Ces données sont envisagées comme « l’ensemble des éléments liés à l’action – volontaire ou non – d’un utilisateur et qui est stocké sur une machine informatique », résume Antonin Guyader, directeur numérique de la revue Pouvoirs, qui consacre un numéro à la « datacratie ».
Publications sur un réseau social, un blog, un forum, photos, avis, pages vues sur un site, achats réalisés, recherches effectuées sont autant de données qui deviennent des cibles publicitaires.
Les volumes de données atteints, leur production, leur circulation, leur stockage, leur traitement et leur exploitation sont à la source de profondes transformations et de nombreuses questions posées aux modèles sociaux, économiques et politiques préexistants. La revue revient sur les enjeux de ce grand bouleversement.
Le président du think tank Renaissance numérique, Henri Isaac, se penche sur l’émergence d’acteurs privés capables de capter la valeur de données, examine les mécanismes de création de valeur et se demande si l’open data et les « communs de données » – qui consisteraient à faire des données un bien commun, en repensant autour de leurs usages un faisceau de droits – sont des alternatives crédibles aux mécanismes d’appropriation de la…
Question de droit social. Le droit à congés payés des salariés dépend à la fois des dispositions légales, des règles conventionnelles et du pouvoir unilatéral de l’employeur, et de façon variable selon l’objet en cause, conduisant à une grande flexibilité et dès lors à une grande diversité des solutions retenues.
Que le salarié travaille à temps plein ou à temps partiel, le code du travail lui attribue deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur, soit trente jours ouvrables pour une année complète de travail. Cette « période de référence » est fixée légalement du 1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours. Des dates différentes peuvent être établies par accord d’entreprise ou à défaut par accord de branche : la pratique retient souvent l’année civile.
Des jours de congés parfois imposés
Cette première période de droit à congés doit être distinguée de la période de prise de congés, qui est déterminée par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche. En l’absence d’accord, c’est l’employeur qui la fixe, après avis du comité social et économique (CSE). Des jours de congés sont ainsi parfois imposés entre deux jours non ouvrés (des « ponts obligatoires ») ou en fin d’année ou encore par fermeture de l’entreprise. Mais la loi exige que la prise du congé principal comprenne la période du 1er mai au 31 octobre.
La répartition des congés n’est pas sans conséquence. Elle est dûment réglementée. Il existe tout d’abord un maximum de jours de congés consécutifs, fixé à vingt-quatre (quatre semaines dites de « congé principal »). Le minimum existe aussi. Il est impérativement de douze jours ouvrables continus, compris entre deux jours de repos hebdomadaire, qui doivent être pris à une période fixée par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche ou, en l’absence de tout accord, impérativement…
Le lien entre intelligence artificielle (IA) et « capital humain » est clairement établi. Les tentatives de chiffrage inquiétantes pour l’emploi se succèdent. Selon « Future of Work », l’étude sur l’intelligence artificielle publiée par Malakoff Médéric et le Boston Consulting Group en mars, 39 % des dirigeants et 34 % des salariés jugent que le développement de l’IA va dégrader l’emploi.
Le think tank Institut Sapiens annonçait, le 21 août, que 2,1 millions d’actifs « ont une forte probabilité de voir leur emploi disparaître dans les prochaines années ». Une des premières estimations, faite dès 2013 par deux chercheurs de l’université d’Oxford, l’économiste Carl Benedikt Frey et l’expert en intelligence artificielle Michael A. Osborne, prévoyait que près de la moitié des emplois d’aujourd’hui n’existeraient plus dans vingt ans.
Pourtant, le numérique crée aussi de nouvelles opportunités : de nouvelles fonctions et de nouveaux métiers. Amazon Go, supermarché très automatisé lancé à Seattle en janvier par la plateforme américaine, a par exemple donné naissance à deux nouvelles fonctions : les « clarificateurs », dont la fonction consiste à expliquer aux décideurs, en interne,l’action d’un dispositif d’intelligence artificielle, et les « gardiens », dont lerôle est d’éviter aux dispositifs d’IA de faire n’importe quoi sur un malentendu.
72 métiers émergents
« Par exemple, si vous êtes grand et que vous aidez quelqu’un à attraper un produit en haut des étalages, le dispositif d’IA risque d’ajouter le produit dans votre propre liste d’achat et non dans celle du consommateur réel. Le rôle des “gardiens”, derrière l’écran, est d’éviter une telle erreur », explique Isaac Getz, professeur d’innovation à l’ESCP Europe.
Dès 2013, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) avait identifié 72 métiers émergents, à partir de l’analyse des volumes des offres d’emploi publiées par les entreprises….
Pour devenir un expert dans un métier du vin, il faut suivre un long parcours et un improbable chemin de traverse, comme en témoigne Jing Jing, 24 ans, fraîchement diplômée d’un master en agriculture de l’université de Pékin. La jeune femme quitte en 2017 la capitale chinoise pour Shanghaï, cœur économique du pays pour la fin de son cursus. Mais sur sa route, une dernière étape est nécessaire à sa formation : un crochet à l’autre bout du monde, à Dijon, en Bourgogne. Un large détour d’une année indispensable pour peaufiner sa connaissance du vin. Ce sera au sein de la School of Wine & Spirits Business, « école dans l’école » de la Burgundy School of Business.
Comme Jing Jing, des étudiants venus du monde entier sont chaque année un peu plus nombreux à venir se former au sein des terroirs français. Alors que l’internationalisation est l’alpha et l’oméga de toute formation supérieure, « le vin, c’est la France », résume Jacques-Olivier Pesme, expert dans les métiers du vin et ancien directeur de la Wine & Spirits Academy du groupe Kedge, en Gironde. Alors c’est à Reims, Bordeaux, Angers, Dijon ou Montpellier que les wine makers et négociants de demain viennent se former.
Le vin est un produit complexe, souvent lié à un lieu, une origine et un savoir-faire spécifiques. « Gérer ce produit, ce n’est pas seulement gérer une entreprise, mais gérer collectivement une région, s’engager dans l’organisation et la promotion d’un territoire », soulignent Jérôme Gallo, directeur de la School of Wine & Spirits Business, et Steve Charters, professeur de marketing, dans leur ouvrage, Economie et management du vin (Pearson Education, 2014).
La terre, ses codes et ses traditions
Pour maîtriser ce produit et comprendre le travail de ceux qui le façonnent, on ne peut ignorer ses codes et ses traditions. « Chaque vin à une identité, une typicité en lien avec des actes techniques, des caractéristiques géologiques et climatiques », poursuit René Siret, directeur de l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers. Il faut donc apprendre à maîtriser les caractéristiques d’un produit aux multiples facettes. « Mieux vous comprendrez la terre, mieux vous en parlerez, mieux vous la vendrez », résume Jacques-Olivier Pesme.
La France et ses terroirs sont un terrain d’apprentissage sans égal pour acquérir ces compétences. C’est « également une acculturation que les étudiants étrangers viennent trouver ici », affirme Philippe Jeandet, directeur du master vins et champagne de l’université de Reims. S’immerger dans la « culture » du vin, parler son « langage », pour être en mesure de faire des affaires avec « les gens du milieu qui vont vous reconnaître comme un membre du clan », poursuit M. Jeandet.
Etudier les métiers du vin à Bordeaux, en Bourgogne ou en Champagne apparaît comme une évidence et représente un atout qu’écoles et universités françaises rappellent à l’envi. C’est sur les traditions et la reconnaissance internationale de ces terroirs, qu’elles construisent leurs formations, attirant un nombre croissant d’étrangers. En 2017, des étudiants de dix-sept nationalités différentes ont suivi le master 2 de la Burgundy School of Business, seize pour la Wine & Spirits Academy bordelaise.
Sur des territoires grands comme un mouchoir de poche – en comparaison avec un marché qui est, lui, planétaire –, chaque établissement rassemble « une concentration d’expériences et de richesses, liées aux métiers du vin, qui est exceptionnelle. Il y a tous les maillons de la chaîne, les gros volumes de production comme les châteaux les plus prestigieux, les négociants, les maîtres de chai, les embouteilleurs, les bouchonniers… tout est là », observe Jacques-Olivier Pesme.
Si la technicité et les traditions se concentrent sur le territoire français, « le marché du vin comme celui de l’enseignement supérieur sont tournés vers l’international », remarque Jérôme Gallo. La France, l’Italie et l’Espagne demeurent les trois plus gros producteurs de vin, mais ils sont immédiatement suivis par les Etats-Unis, l’Australie et… la Chine. Les Européens sont les champions de l’exportation, mais ils sont talonnés par des pays producteurs très performants tels que le Chili, l’Australie et l’Afrique du Sud.
« Pendant longtemps, les producteurs français n’avaient qu’à pousser leurs bouteilles pour les vendre », reconnaît M. Gallo, mais depuis environ trois décennies, les acteurs émergents du Nouveau Monde « ont taillé des croupières à ceux de l’Ancien ». Alors que l’Europe ronronnait, fière de son expérience millénaire, de nouveaux vins, plus faciles à comprendre, arrivaient sur le marché. « Pas les meilleurs, mais portés par des personnes qui savent faire du business, faire du marketing avec leurs atouts », poursuit le directeur de l’école bourguignonne.
Les élèves sont formés à la macroéconomie, à la communication avec, en point d’orgue, le marketing
Parallèlement, les marchés traditionnels s’essoufflent. Les perspectives de croissance sont visibles à Singapour notamment, puis demain en Inde et en Afrique. En Chine, « seulement 1,5 % de la population boit du vin, rappelle René Siret, la marge de progression du marché est donc considérable ». A Bordeaux, Reims ou Dijon, c’est donc souvent en anglais que les écoles forment leurs élèves à leurs métiers. Si chacune d’entre elles a ses spécificités, le tronc commun reste comparable : au-delà d’un apprentissage poussé de la viticulture et la science de la vigne, les écoles de commerce comme les universités forment à la macroéconomie, aux spécificités de l’industrie viticole, au droit, à la communication, à l’observation des marchés et des goûts du public avec, en point d’orgue, le marketing. « Une politique qui fera que vous êtes capable de faire d’un vin que votre concurrent vendra 20 euros la bouteille, un produit d’exception, qu’un acheteur sera prêt à payer 50 euros », avance Philippe Jeandet.
Pas de chômage, disent les écoles
Devenus experts du savoir-faire du monde viti-vinicole français, élèves et diplômés des écoles et des universités de l’Hexagone seront les prescripteurs de demain. Ambassadeurs de traditions, ils s’enrichissent également des compétences glanées au-delà des frontières hexagonales. Ainsi, Montpellier SupAgro et l’Institut des hautes études de la vigne et du vin (IHEV) forment leurs étudiants dans le cadre « d’un cursus itinérant dans les grands bassins viticoles du monde », rapporte Bruno Blondin, directeur de l’IHEV.
Pas de chômage pour les globe-trotteurs de la vigne. Selon les établissements, 100 % des diplômés trouvent un emploi dans les semaines ou les mois qui suivent leur fin d’études. Entre les tenants de l’Ancien Monde qui se battent pour survivre ou s’imposer, et ceux du Nouveau qui veulent prendre la place, « il y a des besoins dans le monde entier, promet Jacques-Olivier Pesme, il suffit d’être ouvert, mobile et agile ». Les qualités du wine maker contemporain.